Saint Suliac avait établi un monastère, au lieu qui porte maintenant son nom; il y avait planté des vignes et semé du blé. La Rance n'était alors qu'un faible ruisseau, qu'on traversait sur deux mâchoires d'ânes, et en face de Garot se voyait la métairie de Rigourden, dont les ânes vinrent un jour brouter l'enclos des moines; ceux-ci au bout de quelque temps s'en aperçurent et les chassèrent.
L'abbé alla reprocher au fermier sa négligence ; mais celui-ci ne les garda pas mieux, et un matin l'abbé les trouva broutant sa vigne, et les frappa de sa crosse en les maudissant.
Le propriétaire alla à la recherche de ses ânes, qu'il trouva immobiles, près de l'enclos des moines, la tête retournée sur le dos; saint Suliac les délivra de cette position incommode, et les ânes s'en allèrent, mais ils firent un tel bruit que le saint pour ne plus en être incommodé, élargit la Rance et lui donna la largeur qu'elle a aujourd'hui.
On voyait naguère dans les caves du presbytère un tableau sculpté en relief, fort vieux d'après la grossièreté du travail, et représentant les ânes, la tête retournée sur le dos.
La tradition populaire ajoutait qu'une ligne tracée à l'entour du jardin et quatre petites houssines plantées aux quatre angles avaient suffi pour rendre immobiles, comme devant un mur de clôture, le ânes de Rigourden.