La légende des naufragés de l'île Saint-Gildas [Penvénan (Côtes-d'Armor)]

Publié le 27 décembre 2023 Thématiques: Fantôme , Ile , Marin , Mer , Naufrage , Noyade , Nuit ,

L'ile Saint-Gildas
L'ile Saint-Gildas. Source Evelyne Dubo sur le groupe Facebook : Je suis de Port-Blanc en Penvénan et Buguélès
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Source: Le Braz, Anatole / La légende de la mort en Basse-Bretagne: croyances, traditions et usages des Bretons armoricains (1893) (2 minutes)
Contributeur: Fabien
Lieu: Ile Saint Gildas / Penvénan / Côtes-d'Armor / France

En face de Port-Blanc, sur la côte trécorroise, est un îlot fait de quelques masses de rochers et planté d'un bois de pins. On l'appelle Gueltraz. Il est habité par un fermier et sa famille, qui vivent plus encore du goémon qu'ils ramassent que des pommes de terre qu'ils récoltent.
Leur meilleure aubaine, ce sont les épaves que la mer leur jette quelquefois, car ces parages sont hérissés d'écueils.

« Un matin, après une nuit de tempête, ils trouvèrent d'énormes madriers que les vagues avaient roulés sur le galet. Ils les eussent volontiers traînés jusqu'à la ferme, mais leurs forces réunies n'auraient pas suffi à les remuer. Ils durent se contenter de faire bonne garde autour des pièces de bois; ils avaient à craindre que la marée suivante ne les remportât.
Ils restèrent là toute l'après-midi. La nuit tomba qu'ils y étaient encore. Pour se réchauffer, ils avaient allumé un grand feu sur la plage.
Tout à coup, ils sentirent passer sur eux un souffle glacial, et leur feu s'éteignit brusquement.
En même temps, dans l'ombre, ils virent venir à eux cinq matelots qui semblaient sortir de la mer, car leurs « cirés » étaient ruisselants. Chacun de ces matelots marchait courbé sous un faix de planches, de vieilles planches à demi pourries, qui dégouttaient pareillement, et tous les cinq disaient en cœur d'une voix sépulcrale:
– Il nous en manque !... Il nous en manque!... Le fermier et ses gens prirent peur. Toutefois, son fils aîné, qui avait navigué à l'État, s'enhardit à demander :
– Qu'est-ce qui vous manque, les garçons?

Mais il n'eût pas plus tôt parlé, qu'il tomba à la renverse, sans que personne l'eût touché, et des coups invisibles se mirent à pleuvoir dru comme grêle sur lui et sur ses compagnons. Ils se jetèrent tous la face contre terre, en hurlant de douleur et d'épouvante... Ce n'est que longtemps après que les coups eurent cessé, qu'ils se hasardèrent à se relever, pour s'enfuir. Ils virent alors que la mer battait son plein, et que les madriers flottaient déjà à quelque distance du rivage.

Quant aux cinq matelots, ils avaient disparu.

Mais on entendait leurs voix qui chantaient, en s'éloignant. Ce qu'ils chantaient et en quelle langue, on n'aurait su le dire, quoique le fils aîné du fermier prétendit que c'était de l'espagnol. »

(Conté par Françoise Thomas, dite Ann hini Rouz (la Rousse). — Penvénan.)


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