Dans sa jeunesse, Courtier revenait un soir, fort tard, de Saint-Vivien-du-Vergeroux, vers Thairé, en suivant la route du Pontreau. A la hauteur du moulin de la Pierre, il entend dans le lointain un bruit analogue à celui d'un lourd carrosse roulant sur un chemin chargé de pierres. Le fait est d'autant plus extraordinaire qu'à l'exception des routes nationales, situées à de grandes distances, aucune voie n'est carrossable dans la région.

Mais le bruit augmente d'intensité, et l'objet ou l'être qui le produit semble se rapprocher de plus en plus du moulin de la Pierre, quand tout-à-coup arrivant à la palisse qui borde le chemin, il la franchit et s'élance du même bond sur le dos du malheureux piéton, en le saisissant au cou de ses deux pattes velues. Une bigourne seule pouvait arriver ainsi sur le dos des passants, et notre malheureux vigneron, n'osant détourner la tête, reprit à la hâte le chemin de son domicile, haletant et courbé sous le poids du hideux animal. Aux approches des maisons, la bigourne reprit d'un bond à travers champ sa course désordonnée, tandis que le héros de l'aventure venait tomber épuisé et anéanti sur l'escabeau de son logis, où, la sueur au front et le froid au cœur, il racontait, à mots entrecoupés, l'aventure effrayante dont il venait d'être victime.