Un soir d’été, après avoir bien fait danser la jeunesse de la noce au son de sa musette, Jacquillou (Jacques) le cabrettaire, la tête un peu échauffée, paria qu’il irait voir danser les fées aux quatre chemins du milieu de la forêt. Il était brave et très fort, Jacquillou, et n’avait jamais cru aux fées. La nuit était claire et notre cabrettaire partit, sa musette sous le bras. Deux ou trois fois il lui sembla que quelque chose l’arrêtait, c’était la peur sans doute, mais il avait trop d’amour-propre pour reculer.
Tout à coup quand il fut aux quatre chemins, il vit une vingtaine de fées qui dansaient en rond. Jacquillou eut peur, il ne remarqua pas que ces demoiselles étaient pâles et maigres et que lorsqu’elles se tapaient dans les mains l’on entendait un bruit comme celui que font des os sans viande.
Pauvre Jacquillou était troublé, il admirait ces demoiselles légères habillées de blanc. Il se crut au milieu d’une noce, prit sa cabrette et se mit à jouer. La musette fit fuir les fées ; cependant trois ou quatre vinrent vers le musicien et se mirent à danser, mais au bout d’un moment elles cessèrent, une s’empara de son chapeau, une autre lui enleva son foulard : la plus belle prit la rosette de ruban que Jacquillou avait à sa boutonnière et s’enfuit. Notre musicien courut après, mais la fée était si légère qu’elle ne touchait pas terre ; pourtant il finit par l’approcher. C’était une ombre, il n’y avait pas moyen de la tenir, et Jacquillou avait beau la serrer dans ses bras, elle s’échappait toujours.
Ils arrivèrent en courant au bord d’un précipice, le Gour de Marmito, le gouffre de la marmite. Là notre musicien, voyant le danger, s’arrêta, mais il était amoureux de la fée et coûte que coûte il voulait la prendre ; il s’élança vers elle, et ils tombèrent tous les deux dans le précipice. L’on n’entendit dans la forêt qu’un bruit semblable à la chute d’un corps, et ce fut tout.
Le lendemain l’on trouva le pauvre cabrettaire presque mort et couvert de sang ; sa musette était à côté de lui, mais jamais l’on ne put retrouver la rosette et le chapeau. Jacquillou respirait encore ; il eut le temps de raconter ce qui s’était passé, il put recevoir la confession, demander pardon à Dieu, et trépassa.