La légende du Mahwot et du Karnabo [Rocroi, Revin (Ardennes)]

Publié le 12 juillet 2023 Thématiques: Enfant , Fleuve | Ruisseau | RIvière , Guérison , Mine , Monstre , Origine de bruits , Origine d'une menace ,

Monstre des rivières
Monstre des rivières. Source Midjourney (IA)
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Source: Meyrac Albert / Traditions, légendes et contes des Ardennes (1890) (2 minutes)
Lieu: La Meuse / Revin / Ardennes / France
Lieu: Plateau de Rocroi / Rocroi / Ardennes / France

Dans la vallée de la Basse-Meuse ardennaise, il existe une croyance populaire qui paraît être fortement enracinée. Voici d'ailleurs la légende telle qu'elle m'a été racontée en wallon par la veuve Bébert-Hiaya :

Un animal malfaisant se tient dans le fond de la Meuse. Il s'appelle « le Mahwot. » Il est amphibie. Il court sous les eaux d'un bout du fleuve à l'autre, de Revin jusqu'à Liège. Il est gros comme un veau et a la forme d'un lézard. 

Il ne sort de la Meuse que très exceptionnellement et lorsque de graves événements vont survenir. Son apparition sur terre est un signe précurseur de désolation, de mort, de sang, de guerre prochaine ou de peste. Il sort aussi de l'eau à l'appel des mères courroucées contre leurs enfants qui ne veulent pas obéir. Le Mahwot a-t-il déjà dévoré beaucoup d'enfants ? On ne le sait pas au juste, mais les bambins le redoutent, surtout quand la maman leur dit :

— Vlà le Mahwot, si tu n'ti tais nai, dji vas t'fouaire mindjie (voilà le Mahwot, si tu ne te tais de suite, je vais te faire manger).

Cette menace produit toujours son effet.

De vieilles nonagénaires, aujourd'hui mortes, m'ont affirmé, il y a quelques années, avoir rencontré, une nuit de juillet 1870, cette horrible bête à Revin et à Givet. 

Sur le plateau de Rocroi, dans la région de Regniowez, le Mahwot change de nom et s'appelle le Karnabo. Il a, dit-on, une figure presque humaine, mais avec les yeux d'un basilic et un nez en forme de trompe. 

La légende locale dit que, depuis de longues, très longues années, il est enfermé dans une ardoisière abandonnée. Les méfaits, les méchancetés du Karnabo sont innombrables et servent de texte à maints contes des veillées d'hiver.

Son horrible sifflement nasal paralyse ou asphyxie ceux qui passent trop proche de l'ardoisière, et fait mourir les bestiaux. 

On raconte que ce monstre, aussi redouté que méchant, n'est pas d'origine ardennaise. La légende le fait naître de l'union monstrueuse d'un bohémien qui traversa la région, au temps jadis, et d'une goule alors âgée de soixante-sept ans.

La légende dit encore que ce bohémien, père du Karnabo, était un sorcier, et les sorts qu'il jeta dans le pays sur gens et bêtes sont si nombreux qu'ils ne se peuvent compter. Puis, un beau jour, il quitta les Ardennes et n'y revint jamais. Mais il avait transmis à son fils sa puissance diabolique et, entre autres  privilèges, celui de guérir les panaris, le jour du vendredi-saint, en prononçant des paroles cabalistiques, en psalmodiant des incantations magiques.

Un jour, une jeune fille osa aller le trouver dans son ardoisière. Dès qu'elle fut proche de l'entrée, le Karnabo bondit de son souterrain, au plus profond duquel il l'entraîna. Depuis cette heure néfaste, on n'a jamais revu ni la jeune fille imprudente, ni le Karnabo, et l'orifice de l'ardoisière a été muré « par ordre (?). » En temps d'orage, on entend encore et les gémissements de la pauvrette et le terrible rugissement nasal du Karnabo.

Cette croyance au Mahwot et au Karnabo ne puise-t-elle pas son origine dans quelque evénement historique, dans quelque fait réel dont le souvenir précis s'est aujourd'hui perdu ? En tout cas, elle est encore des plus vivace dans cette région des Ardennes.


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