La légende du Trou-du-Diable de La Croix-aux-Bois [La croix-aux-bois (Ardennes)]

Publié le 29 décembre 2022 Thématiques: Abbaye | Monastère , Âme , Enfer , Jeune fille , Mort , Pacte avec le Diable , Pêché ,

Le diable et le moine
Le diable et le moine. Source Midjourney (IA)
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Source: Meyrac Albert / Traditions, légendes et contes des Ardennes (1890) (2 minutes)
Lieu: Le trou du Diable / La croix-aux-bois / Ardennes / France

Il y avait autrefois, dit-on, entre Toges et La Croix-aux-Bois, dans le pays de Vouziers et attenant à une ancienne abbaye, complètement détruite plus de cent années avant la Révolution, un moulin dont, aujourd'hui, il ne reste plus la moindre trace tant les herbes ont recouvert la place où il s'élevait. Là vivaient grassement des moines et des moinillons recevant, pour dîme, les fruits les plus succulents, les gerbes les plus épaisses, les blés les plus beaux ; et le moulin, alors, de ne pas chômer, faisant nuit et jour de la farine que l'on transformait en un pain blanc et savoureux. Mais ces moines ne se nourrissaient pas  seulement de pain. Ils aimaient aussi, raconte la légende, le jus de la vigne, si bien qu'un soir l'un d'eux, ayant vidé son verre plus que de raison, évoqua le  diable et lui dit : — Je te donne mon âme ; en échange, tu ne me refuseras, tant que je vivrai, aucun des plaisirs que je te demanderai. — Marché conclu, répondit Satan qui disparut laissant dans la cellule du religieux, comme d'usage, une épaisse fumée et une forte odeur de soufre.

Mais le lendemain, quand son ivresse se fut dissipée, le moine se rappela son pacte. Effrayé, craignant pour son salut, il passa toute la journée et toute la nuit qui suivit en prières jusqu'à ce qu'enfin il entendît une voix mystérieuse lui dire : « Ton repentir est sincère, mais tu ne cesseras d'appartenir à l'enfer que lorsque tu auras acquis une âme au ciel. »

Or, un jour qu'il se promenait dans la forêt de Toges, il vit venir à lui une fille si merveilleusement belle que, parjure à son serment, entraîné par sa concupiscence, il la prit dans ses bras sans qu'elle fit résistance et, protégé par les arbres, oublia le neuvième commandement de Dieu. Et alors, le diable paraissant aussitôt devant lui : — Moine, non seulement tu n'as pas acquis une âme au ciel, mais, même, tu viens de la perdre. C'est moi qui, avec la permission de Dieu, avais envoyé, pour te tenter, cette jeune fille dans la forêt. A cette heure, tu m'appartiens !

La peur du moine fut si grande qu'il mourut subitement, rendant son âme au démon qui l'emporta en enfer. Telle est la légende que l'on raconte encore à Toges et à la Croix-aux-Bois quand on vous montre « le Trou-du-Diable. »

D'après une variante communiquée par M. Durand, de Vouziers, on retrouvait, le lendemain, la jeune fille morte dans un fossé qu'en souvenir de cette aventure on appela — le nom lui reste encore de nos. jours — « le Trou-du-Diable. » Le moine, lui, ne mourut que longtemps après, le diable n'ayant pas été pressé de prendre cette âme qu'il était sûr d'avoir, tôt ou tard.


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