La légende de la cloche d'Atri [Atri (Abruzzo / Italie)]

Publié le 6 juillet 2023 Thématiques: Animal , Cheval , Cloche , Jugement , Noblesse ,

Palais des ducs d'Acquaviva
Lamberto Zannotti, CC BY-SA 3.0 , via Wikimedia Commons
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Source: Guerber, Hélène Adeline / Contes et légendes, tome 2 (1895) (2 minutes)
Lieu: Palais des ducs d'Acquaviva / Atri / Abruzzo / Italie

Il y avait une fois, en Italie, un bon roi nommé Jean, qui déclara qu'il voulait que tout le monde obtînt justice dans son royaume. Comme il ne pouvait pas écouter toutes les plaintes, en personne, il fit pendre une grande cloche dans une tour de la ville, et fit proclamer que si quelqu'un avait à se plaindre, il n'avait qu'à sonner la cloche, et que le juge viendrait immédiatement sur la place publique pour lui rendre justice.

Les gens d'Atri, enchantés de cette idée, ne se firent pas faute de tirer la corde de la cloche chaque fois qu'ils avaient lieu de se plaindre, et dès que le son de la cloche frappait son oreille, le juge allait sur la place publique, où il jugeait la cause sans plus de délai.

Petit à petit, à force d'être tirée, la corde s'usa et devint si courte qu'on y attacha un bout de vigne pour la rallonger. C'était en été, la chaleur était accablante, la place publique était déserte, tout le monde dormait, quand tout à coup, au milieu de la journée, la cloche commença à sonner. Les habitants de la ville, réveillés en sursaut, se levèrent en disant: "Sûrement, quelque grande injustice a été commise, car la cloche sonne bien fort!"

Quelques minutes après le juge arriva sur la place publique, escorté de la plupart des habitants de la ville, et vit, non pas un homme ou une femme, mais un pauvre cheval bien maigre, qui, faute de mieux, mangeait les feuilles de la vigne attachée à la corde de la cloche.

Indigné d'avoir été dérangé pour si peu de chose, il demanda avec impatience :
"A qui est ce cheval, et que fait-il ici?"

Alors on lui raconta que le cheval appartenait à un grand seigneur des environs, qu'il avait été beau et fringant dans le temps, qu'il avait porté son maître dans bien des batailles, et que plus d'une fois il lui avait sauvé la vie par la rapidité de sa course. Mais, petit à petit, le coursier fringant était devenu vieux, et comme son maître était très avare, il avait donné ordre de le mettre à la porte, afin qu'il pût paître le long des chemins et sous les arbres.

Le pauvre cheval, vieux et boîteux, avait erré ainsi pendant bien des jours sans trouver assez de nourriture pour satisfaire à sa faim, et en arrivant enfin à la ville, il s'était arrêté pour manger les feuilles de vigne.

Le juge, dont la mauvaise humeur était entièrement dissipée, fit venir le maître du cheval, et après l'avoir bien interrogé, il découvrit que tout ce qu'on lui avait dit était parfaitement vrai. Alors il déclara que puisque le cheval avait fidèlement servi son maître tant qu'il en avait eu la force, le maître serait forcé, par la loi, de le nourrir et de le loger convenablement, aussi longtemps qu'il vivrait, et de le traiter avec le plus grand respect.

Les habitants de la ville reçurent ce décret avec des exclamations de joie, et déclarèrent que leur cloche était supérieure à toutes les autres, vu que même les animaux pouvaient obtenir justice et faire appel contre la cruauté de leurs maîtres. Quant au cheval, il fut reconduit en triomphe à son écurie, où son maître fut obligé de lui donner la meilleure place, et où il eut tout plein de foin et d'avoine tant qu'il vécut.


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