L'abbaye de Waulsor, plus heureuse que celle de Hastière, est restée florissante jusqu'au temps de la révolution française. Entre autres richesses conservées dans son trésor, brillait un joyau dans lequel on avait enchâssé une de ces émeraudes vert-jaune, nommées béril. Sur cette pierre, un artiste, Saint-Eloi, disait-on, avait gravé l'histoire de Suzanne, du moins selon l'explication des moines.
D'où venait cette pierre? C'est ce que la légende racontait ainsi.
Le bijou appartenait au comte Eilbert, fils d'Ebroin, l'un des seigneurs les plus accrédités à la cour du roi de France, Louis IV, et qui possédait, comme le roi de Bohême, sept châteaux en propre. Le comte avait fait bâtir lui-même les siens.
Eilbert, tout puissant qu'il fût, fréquentait volontiers les foires. En 944, il se rendit à celle de la Thierrache en Picardie. Au même lieu un prêtre était venu pour vendre un cheval, un beau cheval. Eilbert voit la bête, la trouve à son gré, entre en pourparlers, tombe d'accord sur le prix, mais ne veut prendre pourtant le cheval qu'à l'essai et dépose son anneau en gage. Quand il revient ensuite pour conclure, payer la somme et retirer le béril : « Je ne vous connais pas, lui dit le prêtre, je ne vous ai jamais vendu de cheval, et cette pierre que vous réclamez ne me vient pas de vous. »
Etonnement et indignation du comte. Il court assembler ses vassaux, les lance contre le bourg où résidait le prêtre, force la place, saccage tout, même l'église. Mais le premier soin d'un homme qui brûle une église est de la rebâtir; aussi Eilbert, sur l'emplacement de celle qu'il vient de renverser, en fonde une nouvelle. Il fait plus ; il veut construire autant d'églises qu'il avait élevé de châteaux.
C'est à cette repentance que l'abbaye de Waulsor dut son origine et le joyau dont le trésorier narrait l'histoire, en la garantissant. Il ajoutait que le monastère remplaça le château jusque là préféré par le comte et que la religieuse demeure reçut de saints solitaires nouvellement arrivés d'Ecosse, Forannan, Maccalan, Cadroë et autres pèlerins. En 982, cette communauté fut unie à celle d'Hastière.