La prairie de Blouissia, au bord de la Valouse, est exclusivement réservée au pâturage. Les bergers y devancent l'aurore et n'en reviennent souvent qu'à la nuit close. C'est à ces heures de lumière douteuse que leur apparaît la Dame de Blouissia. Elle porte, disent-ils, un gentil chapeau pendu derrière son dos et une charmante pannetière à son bras. D'un pas léger, elle passe lestement près de vous, sans que l'on entende même le froissement des plis de sa robe. Vous la voyez monter, sans le moindre effort, au haut de la roche d'où tombe en cascatelle le ruisseau de la Péchouère, puis elle disparaît.
D'autres disent que la Dame de Blouissia est une Fée bûcheronne. Ils l'ont vue quelquefois au pied d'un gros poirier qui a cru à la Condamine, autre climat voisin de Blouissia. On ne sait pourquoi elle frappe de vigoureux coups de cognée cet arbre fruitier. Au reste, lorsqu'après avoir entendu le bruit de la hache, on va voir si ce grand arbre est enfin renversé, on le trouve debout, intact, sans le moindre indice des coups qu'il a reçus. On ignore si cette fée bûcheronne est une âme en peine condamnée à revenir en ce monde pour expier ses fautes par des efforts superflus, ou si elle s'amuse à tenir la vigilance des propriétaires éveillés, dans l'intérêt de l'agriculture.