Lénard était un bandit de la pire espèce, ne vivant que de vols, de pillages, tuant par plaisir, et étant la terreur de la contrée. Les rouliers n'osaient s'aventurer sur la grande lande entre Sens et Andouillé que lorsqu'ils étaient assez nombreux pour tenir tête au brigand, qui ne quittait pas ces parages.
Un jour Lénard avisa un arbre et cueillit un de ses fruits; c'était une poire sauvage appelée dans le pays poire d'étranglard, tellement âcre que Lénard, après l'avoir goûtée, la jeta vivement loin de lui.
Le hasard voulut qu'elle tombât sur un petit arbuste, où quelques mois plus tard, le voleur, en passant par le même endroit, la retrouva; par curiosité il la prit, et charmé de la belle couleur qu'elle avait revêtue, la porta à ses lèvres.
La poire amère qu'il avait dédaignée était devenue d'une saveur exquise. Frappé de ce fait, Lénard devint pensif, il eut honte de sa conduite, et pris d'un repentir soudain il s'écria: «< Tout s'amende ici-bas; il n'y a que moi qui suis de plus en plus criminel. Eh bien! je changerai; et Lénard le criminel deviendra désormais Lénard l'honnête homme ». Il en était là de ses réflexions, lorsqu'il entendit les cris d'un roulier, essayant de retirer son attelage d'une des nombreuses ornières qui remplissaient le chemin.
Lénard vola au secours du charretier, qui trompé par sa mauvaise réputation, et croyant avoir à défendre sa vie, court sur le brigand et l'assomme d'un coup de garrot.
Avant d'expirer Lénard fit part au roulier de l'intention qu'il avait eue de réformer sa vie; dès lors la pitié populaire en fit un saint.
Vers 1870, on lui a élevé le tombeau qu'on aperçoit aujourd'hui sur la lande, témoin de ses crimes et de sa conversion. Le curé d'Andouillé cria au sacrilège et fit démolir le tombeau; mais il a été réédifié par les soins des habitants qui y voient une source de profit pour le pays. Le vendredi saint la tombe de saint Lénard est le but d'un pèlerinage, et on l'invoque pour la guérison des douleurs rhumatismales.