Sur le chemin d'Ammerschwir à Orbey, au sommet d'une haute montagne couverte de vieux sapins, un faucheur, retournant chez lui le soir, trouva devant ses pieds un limaçon [escargot] ; il prit le manche de sa faux pour l'écraser, mais il se planta le fer dans le cou et se tua. A sa mémoire on installa dans le creux d'un vieux chêne qui se trouvait sur le lieu de l'accident, un petit groupe de pierre représentant la Vierge tenant le Christ mort sur ses genoux (cet ex-voto existe encore aujourd'hui dans l'église des Trois-Epis).
Eu 1491, un maréchal-ferrant d'Orbey nommé Théodore Schera, passant par là, fit une prière à l'intention du mort; la Vierge lui apparut « reluysante d'une beauté sortable à la qualité de sa personne; » elle tenait trois épis dans la main droite et un lingot de glace dans la main gauche; elle lui ordonna de se rendre à Ammerschwir, d'exhorter les gens à la pénitence et à la vertu, après quoi elle disparut.
Notre homme se rendit en effet à Ammerschwir, mais, arrivé la, la peur le prit qu'on ne le crût pas et qu'on ne le traitât d'imposteur, et il ne dit rien de son aventure.
Or, un jour qu'il avait acheté un sac de blé et qu'il se disposait à le charger sur son cheval, le sac se trouva si lourd qu'il lui fut impossible de le soulever; il appela les voisins à son aide, mais le sac résista à tous les efforts et ne bougea pas. Schera se souvint alors de ce que la Vierge lui avait dit et ne doutant pas qu'elle n'eût voulu, par ce fait extraordinaire, lui rappeler ses instructions, il alla trouver les Echevins et, en présence du clergé qu'on avait rassemblé en toute hâte, il raconta son histoire; aussitôt après, étant retourné prendre son sac de blé, il le souleva sans peine et le chargea sur son cheval.
Alors, sur le lieu de l'apparition, on éleva une chapelle à la Vierge des Trois-Epis, et cet endroit devint et est encore un pèlerinage très populaire en Alsace.
La légende que je viens de résumer est racontée en latin et en Allemand dans un manuscrit du XIe siècle, écrit sur parchemin, et conservé encore aujourd'hui au presbytère établi dans les vastes bâtiments d'un ancien couvent.
Il existe une seconde légende, très postérieure à la première, car elle remonte seulement au commencement du XVIIIe siècle; elle a été relatée pour la première fois par Robert d'Ichtersheim (Ratisbonne, 1710), la voici dans sa grâce poétique.
Un homme allant à la communion, avait gardé l'hostie dans sa bouche et l'emportait pour la profaner; arrivé près d'un champ de blé, il fut effrayé de son action et jeta dans le champ l'hostie. qui demeura suspendu entre trois épis. Des passants le lendemain remarquèrent des abeilles qui voltigeaient autour de ces épis; ils s'approchèrent et virent l'hostie autour de laquelle les insectes avaient bâti comme un nid de cire et de miel; et c'est là que la chapelle aurait été bâtie.