La légende des coteaux de l'Ermitage de Tain [Crozes-Hermitage, Tain-l'Hermitage (Drôme)]

Publié le 8 juin 2024 Thématiques: Chapelle , Croisade , Ermitage , Ermite , Miracle , Noblesse , Origine , Prière , Prophétie , Reine , Saint Christophe , Saint | Sainte , Statue , Vigne , Vin ,

Chapelle Saint-Chrisophe
Chapelle Saint-Chrisophe. Source FredSeiller, CC BY-SA 4.0 <https://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0>, via Wikimedia Commons
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Source: Balleydier, Alphonse / Les Bords du Rhône de Lyon à la mer: chroniques, légendes (1843) (3 minutes)
Contributeur: Fabien
Lieu: Chapelle Saint-Christophe / Crozes-Hermitage / Drôme / France
Lieu: Coteaux de l'Hermitage / Tain-l'Hermitage / Drôme / France

C'est le coteau de Tain qui produit ce fameux vin de l'Ermitage, le meilleur et le plus estimé de tous ceux qui se récoltent en France. [...]

C'est un Noé-ermite à qui le monde gourmet est redevable de ce vin tant recherché.

En 1224, un jeune chevalier, beau comme le sourire d'une jolie femme, brave comme l'acier de son épée, s'arrêta sanglant et meurtri dans une misérable chaumière des bords du Rhône, il revenait de la croisade des Albigeois ou moult il avait fait prouesses.

Lassé du bruit des camps et des excès de la guerre civile, il fut à la chapelle de St-Christophe pour demander pardon à Dieu de tout le sang que sa main avait versé. Sa prière fut si fervente, qu'une statue de pierre, celle de saint Christophe, dit-on, répétait à la fin de ses oraisons: amen, et s'inclinait chaque fois que sa bouche prononçait le nom de Jésus.

Formant dès-lors la résolution de vouer à Dieu et à la solitude les restes d'une vie traversée déjà par bien des orages, il se rendit aussitôt à la cour de Louis VIII et de Blanche de Castille pour leur demander l'autorisation et les moyens de réaliser son religieux projet.

La pieuse reine écrivit à messieurs de St-André-le-Bas de recevoir « le noble et puissant seigneur Henri Gaspard, comte de Sterimberg et chevalier féal de sa cour, de le recevoir comme tel et de lui assigner en son nom royal, un endroit de leur juridiction tel que le coteau de St-Christophe, pour qu'il pût y construire un petit ermitage et y servir Dieu sa vie durant. »

Cette lettre royale signée de la main de Blanche de Castille est à la date du 12 mai 1225.

Installé par messieurs de St-André-le-Bas aux lieux qui lui avaient inspiré sa première pensée de retraite, le chevalier et noble comte de Sterimberg construisit une petite cabane et défricha un petit bois qui l'avoisinait, pour y planter de la vigne.

Cette culture réussit au-delà de toutes ses espérances; il ne fut bientôt plus question dans le Dauphiné que de la sainteté du religieux et de l'excellence de ses vignes.

Or, on accourait de bien loin pour lui demander des prières et quelques verres de son vin tant renommé. Le pieux ermite accordant toujours ses prières en forme de consolation et son vin en manière de rafraîchissements, la grotte qui lui servait de cave se trouva bientôt vide, car l'affluence des pélerins augmentait chaque jour.

Il se trouva donc forcé de défricher de nouvelles terres pour mettre en rapport la récolte avec la consommation. Par une belle matinée du mois d'avril, alors qu'il travaillait avec ardeur à planter de nouveaux ceps, une femme voilée, cachée toute entière sous de longs vêtements de deuil se présenta devant lui ?
– Femme, que viens-tu faire à cette heure sur la montagne, lui dit l'ermite.
– Chevalier... saint homme, ajouta la femme en se reprenant, je viens sur la montagne pour me recommander aux prières de l'ermite.
– Elles sont agréables au Seigneur, je le sais mon père; elles seront utiles à une pauvre femme qui n'a pas assez de force pour marcher dans la vie que Dieu lui a faite.
– Cette voix, Madame, cette voix, oh! je l'ai entendue quelque jour, s'écria l'ermite en mettant un genou en terre, je l'ai entendue puissante, honorée à la cour.... vous êtes....
– La veuve du roi de France qui vient de mourir, la mère du roi de France qui vient de monter sur le trône ; je suis Blanche de Castille, régente du plus beau royaume du monde.
– Louis VIII est mort?
– Il m'a laissé la plus belle mais la plus lourde couronne de la chrétienté.
– Dieu vous donnera la force et le courage de la porter noblement.
– Oui, mon père, si vous le priez pour moi. La situation de mon royaume est mauvaise; les hauts barons et les petits princes de l'Etat se préparent à profiter des embarras de la minorité du roi mon fils.
– Rassurez-vous, Madame, Dieu confondra leurs méchants projets. Venez avec moi, Madame, allons le prier et nous recommander à la protection de saint Christophe.

La puissante reine, accompagnée du pieux ermite, se rendit aussitôt à la petite chapelle, où, pour lui faire honneur, dit la légende, les saints de bois qui la décoraient se levèrent de leur piédestal et vinrent la recevoir en chantant le Domine salvum fac regem.

Les prières du religieux furent en partie exaucées Blanche de Castille porta noblement la couronne ainsi qu'il l'avait dit, et le roi son fils, le roi soldat et saint devint un des plus grands princes de la monarchie française.

A la mort du vénérable Sterimberg, les seigneurs de Saint-André-le-Bas permirent à d'autres ermites de le remplacer, sous la condition de leur servir une rente annuelle.

Depuis ce temps, les vignes de ce riche coteau prirent le nom de l'Ermitage.


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