[Il y a très longtemps,] une bande de voleurs, venue de l'autre versant de la chaîne des Alpes, pénétra dans la montagne de Chamoson, s'empara de la vacherie, et tua tous les fruitiers de l'alpage, ne laissant la vie sauve qu'au pâtre, à qui les brigands se contentèrent de crever un œil, parce qu'ils avaient besoin de lui pour les conduire à travers les sentiers difficiles et entraîner le troupeau ; celui-ci, avait dit le berger, ne voulant avancer que s'il marchait en tête en jouant de sa cornemuse ou tuba.
Arrivés au Plan de la Forclaz, d'où l'on descend dans la vallée de L'Iserne par l'alpe de Dorbon, la bande dut s'arrêter pour prendre un peu de repos, nécessité par le passage de chemins escarpés, tortueux et longs.
Les pillards, exténués de fatigue et assommés par l'eau-de-vie qu'ils avaient abondamment absorbée, s'endormirent profondément à l'ombre de sapins rabougris. C'était un dimanche.
Le pâtre en profila pour voler vers le Haut de Cri, jusqu'au lieu dit Plan Merdasson, où il fit jeter à sa tuba des cris d'alarme qui furent entendus des Chamosards, à leur sortie de la messe à l'église d'Ardon. Ceux-ci furent tôt résolus, et firent en hâte l'ascension de la montagne. Ils atteignirent bientôt la vacherie et les voleurs, sur les Alpes contheysannes. Rendus féroces à la vue des cadavres de leurs concitoyens, les malheureux vachers que les brigands avaient massacrés, ils égorgèrent à leur tour tous les hommes de la bande pillarde et ramenèrent leur troupeau au pâturage.