La légende de la jeune fille varou de Clécy [Clécy (Calvados)]

Publié le 25 octobre 2024 Thématiques: Bateau , Fleuve | Ruisseau | RIvière , Jeune fille , Loup-garou , Magie , Marin , Mort , Nuit , Prêtre | Curé ,

Lieu-dit "La Bataille"
Lieu-dit "La Bataille". Source Google Street View
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Source: Moricet, Marthe / Récits et contes des veillées normandes (1962) (2 minutes)
Contributeur: Fabien
Lieu: Lieu-dit "La Bataille" / Clécy / Calvados / France

Au bac de la Bataille, près de Clécy, Dominique, le passeur, entendait souvent, au coup de minuit, une voix le héler ainsi de l'autre rive. "Au bateau, Dominique ! au bateau !".

Réveillé en sursaut, et contraint par une force irrésistible d'obéir, le pauvre hère sautait de son grabat, démarrait le bac, passait la rivière, et trouvait devant lui une dame plus pâle que les vêtements blancs qui la couvraient, et qui prenait place à l'arrière .

Le bac repartait, mais s'enfonçait dans l'eau à mesure qu'il avançait, comme s'il eût été chargé outre mesure; et quand, transi de peur, Dominique se retournait, la forme blanche avait disparu et le bac revenait à flot.

Longtemps le passeur n'osa se soustraire à ce supplice. Cependant, à bout de patience, il prit conseil du sacristain de la paroisse, et d'après son avis résolut d'y mettre fin.

Une nuit, il s'embusqua derrière le tronc vermoulu d'un vieux saule chevelu auquel il avait coutume d'amarrer le bac et attendit anxieusement, l'oreille attentive, l'œil à l'affût . Il était armé d'un fusil où il avait glissé une balle bénite que lui avait remise le sacristain. A minuit, quand l'appel se fit entendre, et que la forme blanche apparut et se dessina sur l'autre rive, il visa et tira. Le coup avait porté, car il vit le fantôme s'enfuir, il entendit des cris déchirants et des gémissements qui, bientôt, s'éteignirent dans le profond silence de la nuit.

Le lendemain, aux premières lueurs de l'aube, des laboureurs qui traversaient la bruyère de Noron, trouvèrent étendu, au pied d'un bloc de rochers, le corps d'une jeune fille admirablement belle, couverte de la haire d'un varou par dessus ses blancs vêtements. Elle avait au côté une large blessure, d'où son sang s'était écoulé avec sa vie.

C'était elle que le passeur avait frappée, et la tradition ajoute qu'en expiation d'une faute cachée elle devait accomplir durant sept années ces courses nocturnes, qui se terminèrent par un si tragique dénouement.

Dominique fut désormais délivré de ses terrifiantes visites, mais le malheur ne tarda pas à le frapper. Ses deux jeunes enfants périrent quelques jours après, victimes d'un mystérieux accident, et le chagrin qu'il en ressentit le conduisit aussi prématurément dans la tombe.

(Jules Lecœur, Esquisses du Bocage Normand, t. II, Condé sur Noireau, 1887, in - 8° , pp. 406 - 407).


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