Au temps jadis, les chats-sorciers allaient danser autour des croix, et ils récompensaient ceux qui leur rendaient service en passant.
Un soir un homme de la métairie du Bois-Bras qui revenait du bourg où il était allé faire forger le soc de sa charrue, entendit du bruit derrière lui, et vit venir sur le chemin une petite troupe ; mais il ne savait pas ce que c'était, car il faisait noir, et il se cacha dans un champ pour voir ce qui allait se passer.
Quand les chats-sorciers arrivèrent près de la croix, ils s'arrêtèrent et se mirent à parler ensemble. L'homme écouta et entendit les chats qui disaient : - Ou élais-tu hier soir, Robin ? - A la Cour, répondit-il. - Et toi, Gilles ? demanda Robert qui était leur roi. - Au Biot près du Bé. Ils parlèrent ainsi pendant une heure et l'homme qui était caché avait envie de les voir finir, car il voulait savoir ce qu'ils allaient faire ensuite.
Quand ils eurent fini de causer, ils se mirent à danser autour de la croix et ils chantaient : Samedi, Dimanche et Lundi, Samedi, Dimanche et Lundi.
L'homme de la métairie s'ennuya de les entendre toujours répéter la même chose et il cria : Mardi ! Et que ce soit fini.
Aussitôt les chats sorciers s'écrièrent: - Bofé (bonne foi) nenni, - Ca ne sera pas fini. - Qui a dit : Mardi ? - C'est moi, répondit le fermier. - Où es-tu ? - Me voici, dit-il en sautant dans le chemin. - Qui es-tu ? - Laboureur. – Hé bien ! s'écrièrent les chats, ton soc ne s'usera plus : mets-le par terre. Le fermier posa son soc à terre, et les chats passèrent leurs queues par dessus.
Depuis ce moment il n'eut plus besoin de reporter son soc à la forge, car il ne s'usait point. Mais il avait reconnu son chat dans la compagnie des sorciers, il lui coupa le bout de la queue pour l'empêcher de retourner au sabbat. Les autres chats pour le venger crevèrent les yeux à son maitre qui fut aveugle et devint aussi gueux qu'un rat.