La légende de l'abbaye de Saint-Seine [Saint-Seine-l'Abbaye (Côte-d'Or)]

Publié le 16 décembre 2023 Thématiques: Abbaye | Monastère , Âne , Animal , Brigand , Christianisation , Légende chrétienne , Lieu miraculeux , Origine , Origine d'une source , Origine d'une trace dans la roche , Origine d'un lieu , Saint | Sainte , Saint Seine ,

L'abbaye de Saint-Seine
Giogo, CC BY-SA 4.0 , via Wikimedia Commons
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Source: de Ponthieu Amédée / Légendes du vieux Paris (1867) (3 minutes)
Lieu: Abbaye de Saint-Seine / Saint-Seine-l'Abbaye / Côte-d'Or / France

C'était au sixième siècle.

En ce temps-là, Dieu envoya un de ses élus dans les forêts des Burgondes. Seine était son nom, il sortait du moustier de Saint-Jean-en pays d'Auxois, et avait reçu l'habit religieux des mains de l'évêque de Langres.

Saint Seine appartient à la phalange héroïque de ces moines hardis qui seuls, ou à la tête de quelques fidèles, vont batailler contre les idoles au milieu des païens et des sauvages; chevaliers errants de la religion, leur forteresse est la foi, turris eburnea; leur bouclier, la robe de bure; leur arme, la croix. A leur voix, les arbres consacrés par la superstition tombent, les idoles chancellent, des miracles naissent. Sous leurs pas, c'est la féerie chrétienne, marchant de prodiges en prodiges, frappant d'étonnement les peuplades barbares qui tombent à genoux et se prosternent devant une simple croix de bois! Rien ne les arrête dans ces forêts aux profondeurs effrayantes; ils s'avancent, calmes et tranquilles, chantant les gloires de Dieu au milieu des bêtes féroces ; ils ne craignent rien, et les loups viennent se ranger autour d'eux, respectant le serviteur de Dieu; ils rampent à genoux sous des fourrés de ronces et d'épines, habitent dans les cavernes sombres à côté des animaux, qui oublient leur férocité et abandonnent leurs tanières à l'envoyé de Dieu.

C'est ainsi que s'avança le moine bourguignon à travers les forêts : C'est opinion commune Qu'il n'y avoit si grande beste A qui il ne fit baisser la teste.

C'est là qu'il bâtit la cellule qui devint la pierre angulaire de la célèbre abbaye de Saint-Seine.

Dans une prière ardente, il demande à Dieu de lui envoyer un ange pour lui faire connaître si c'est sa volonté qu'il demeure en ces lieux, solitaires. Pendant son sommeil il entend, trois nuits de suite, retentir les sons de la cloche invisible d'un monastère lointain : à la troisième aurore il se lève et se met en route à travers les ronces et les épines, guidé par les tintements mystérieux.

Il arrive dans un vallon verdoyant, abrité par l'ombre séculaire de chênes touffus... Soudain, la clochette invisible devient muette, il s'arrête : c'est là le lieu choisi par la volonté divine et où doit s'élever son monastère. Il prend possession au nom de Dieu de cette terre vierge conquise à la foi, arrache deux branches de coudrier, les pique en terre, suspend à leurs rameaux mis en croix les reliques qu'il portait à son cou, s'agenouille humblement, et chante au Seigneur un cantique d'allégresse.

Les oiseaux des bois gazouillent à l'entour et redisent dans un concert harmonieux les chants du moine, avant d'aller répéter à tous les échos de la forêt la bonne nouvelle qu'il apporte. Une colombe descend des voûtes verdoyantes et vient se poser doucement sur le rameau planté par le moine, comme pour souhaiter la bonne venue à l'envoyé et lui présenter l'hommage des hôtes de ces lieux.

La forêt était infestée de bandes de brigands : il change leur férocité de bêtes fauves en douceur de colombes et en fait ses ouvriers ; ils abattent les chênes et les façonnent, bâtissent les murs de l'abbaye, lui apportent des pains cuits sous la cendre et des rayons de miel. Convertis, ils forment autour de son monastère une bourgade qui d'abord porta le nom champêtre de Segestre, et, plus tard, celui de Saint-Seine, à cause de son fondateur.

[...]

C'est à l'ombre de cette abbaye que la tradition place la source de la Seine, sous une pierre légendaire très vénérée dans la contrée.

Selon la croyance populaire, un jour, saint Seine, chargé d'années, revenait lentement à l'abbaye, monté sur l'animal qui eut l'honneur de porter le Christ à son entrée solennelle dans Jérusalem. L'âne, en serviteur prévenant, s'agenouilla sur cette pierre pour éviter au saint homme de descendre avec trop de fatigue. Son genou y fit un trou, et, quand il se releva, de l'eau en sortit miraculeusement et forma la Seine.

Depuis ce prodige, c'est croyance générale dans les campagnes environnantes que saint Seine a le don de faire la pluie et le beau temps. Sur ce bloc calcaire, qui sert de borne au territoire de l'abbaye, un bas-relief représente saint Seine monté sur son âne. On voit une rigole que l'on croit avoir été faite par la moulure du genou de l'âne du saint. A deux pas plus loin se dresse une croix de bois au pied de laquelle tous les ans, le 19 septembre, on célèbre une messe en grande cérémonie, pour amener la pluie ou le beau temps. Les villageois viennent y plonger la tête de saint Seine dans la source.


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