La famille des Porcellet, qui a joué un rôle important dans la politique de la Provence, pendant le moyen âge, avait, au sujet de son nom, une légende qui a été rapportée par les anciens historiens locaux, et qui fut répétée longtemps de bouche en bouche dans les veillées d'hiver, où les vieux aiment tant à développer devant les jeunes ébahis et crédules, des aventures extraordinaires, plus ou moins en opposition avec les choses habituelles de la vie. Voici le détail de cette légende :
Il y avait une fois une grande dame du nom de Sabattier, qui était femme du seigneur d'Arles et qui, étant enceinte, alla un jour se promener dans la campagne pour se divertir.
Elle rencontra une vieille mendiante, qui lui demanda l'aumône, et qui paraissait avoir grand besoin d'être secourue.
Mais la dame, hautaine et orgueilleuse, n'était rien moins que charitable; aussi elle repoussa la pauvresse, en lui disant des mots très durs et très déplaisants.
La vieille mendiante, qui n'était autre chose qu'une fée, lui dit : — « Vous êtes méchante comme une truie — et, comme cette bête immonde, vous donnerez un exemple dégoûtant à ceux qui assisteront à votre accouchement.
La dame, toute frappée qu'elle fut de cette sorte de malédiction, ne s'amenda pas vis-à-vis de la mendiante, et continua sa route.
Quand le terme de la grossesse fut arrivé, elle accoucha; mais, voilà qu'après un premier enfant, il en vint un second, puis un troisième. Bref, elle fit neuf petits porcs, se trouvant avoir eu comme une truie, une portée immonde.
On comprend que ce fut un grand scandale et une sévère punition. Aussi l'orgueilleuse fit pénitence; alors elle fut plus heureuse dans ses couches ultérieures, où elle mit au monde de véritables enfants humains au lieu de petits porcs.
Néanmoins, le souvenir de cette aventure fit donner aux Sabattier d'Arles le sobriquet de Porcellet, qui est devenu le nom de la lignée noble qui a été longtemps à la tête de cette partie du pays de Provence. (Nostradamus.)