Dans l'est de l'Islande, une baie s'enfonce dans la terre entre deux montagnes escarpées, que l'on appelle Mjóifjördur et dans l'une des montagnes se trouve un profond golfe rocheux que l'on nomme Mjóafjardargil. Ce golfe était habité par une troll qui utilisait des sortilèges pour attirer à elle les prêtres vivant à la ferme Fjördur. Elle avait l'habitude, pendant que le prêtre prêchait, de poser une de ses mains sur la fenêtre au-dessus de la chaire de l'église. Dès que son étrange main empêchait la lumière d'illuminer le papier sur lequel le sermon était écrit, les prêtres devenaient fous et criaient à leur assemblée :
– "Sortez mes entrailles, car je dois partir pour le golfe, pour le golfe de Mjóifjördur."
A ces mots, les prêtres disparaissaient de l'église en direction du golfe, et on n'entendait plus jamais parler d'eux.
Un voyageur, passant par le golfe, aperçut une fois la troll assis sur une corniche de rocher, donnant des coups de talon et tenant quelque chose dans sa main.
Il lui dit : – "Eh bien, vieille sorcière, qu'as-tu là ?
– "Oh", répondit l'autre, "je grignote le dernier morceau du crâne de Snjóki, votre ancien prêtre."
Cela s'étant ébruité, plus aucun prêtre ne voulut avoir la charge l'église, jusqu'à ce qu'un homme intrépide déclare qu'il prendrait le poste malgré la troll et toutes ses ruses. La première fois qu'il dut officier dans sa nouvelle église, il demanda aux plus courageux de ses paroissiens de surveiller son comportement dans la chaire, puis d'agir comme suit :
– "Six d'entre vous", dit-il, "doivent courir et me saisir, et ne pas me laisser partir, quel que soit mon combat ; six autres d'entre vous doivent sonner les cloches aussi fort que possible ; et dix autres d'entre vous doivent courir vers la porte et se placer dos à elle."
Peu de temps après que le prêtre eut monté en chaire, la main du troll fut vue se déplaçant d'arrière en avant à l'extérieur de la fenêtre, et au même moment le prêtre devint fou et dit : –"Sortez mes entrailles, sortez mes entrailles, et je dois partir pour le golfe, pour le golfe de Mjóifjördur."
Avec ces mots, il s'efforça de se précipiter hors de l'église.
Mais les six hommes, qu'il avait préalablement choisis, le saisirent et le retinrent ; six autres sonnèrent les cloches de toutes leurs forces ; et les dix restants coururent vers la porte et se placèrent dos à elle. Lorsque la troll entendit les cloches sonner, elle prit ses jambes à son cou et sauta de l'église sur le mur du cimetière. Lorsqu'elle le toucha, son pied glissa en arrière, et elle a cria :
– "Que tu ne te tiennes jamais plus debout.”
Du cimetière, elle courut vers le golfe, et ne fut plus jamais vue.
Mais l'écart dans le mur du cimetière que son pied avait fait, ne pouvait jamais être parfaitement réparé, quel que soit le travail des ouvriers, et, quel que soit le matériel.
Le sabot de fer de la troll, qui était tombée, fut trouvé là, et utilisé par un fermier comme une pelle à cendres.