La légende de la dame blanche du Hohenbourg [Wingen (Bas-Rhin),Schönau (Rhénanie-Palatinat / Allemagne)]

Publié le 8 août 2022 Thématiques: Amour , Amour impossible , Animal , Chasse , Château , Dame blanche , Mort , Noblesse , Princesse , Revenant , Sanglier ,

La source de Maïdenbrunne
La source de Maïdenbrunne. Source chateauruine.fr
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Source: Ganier Henry / Voyage aux châteaux historiques des Vosges septentrionales (1889) (3 minutes)
Lieu: Château de Wegelnburg / Schönau / Rhénanie-Palatinat / Allemagne
Lieu: Château de Hohenbourg / Wingen / Bas-Rhin / France
Lieu: Source du Maidenbrunne / Wingen / Bas-Rhin / France

Au temps jadis, demeuraient dans les châteaux de Wegelnbourg et de Hohenbourg deux chevaliers divisés par une longue inimitié. La haine qui les animait leur était léguée par leurs pères et continuait à se traduire par une série de luttes, de meurtres et de pillages, auxquels participaient fidèlement jusqu’aux moindres serviteurs des deux camps. Un fossé de sang avait fini par se creuser entre eux.

Mais en dépit de ces troubles homicides, un beau jour l’amour venant à passer, sa douce et impérieuse voix sut se faire entendre au milieu des horreurs, et deux cœurs se rencontrèrent. Le seigneur de Hohenbourg avait une fille unique, Edwige, objet de toutes ses affections. Elle seule, par sa douceur, savait dérider le front de ce rude batailleur, qui, en retour, avait pour elle des tendresses infinies. De son côté, le sire de Wegelnbourg élevait, à l’abri des solides murailles de son château, un rossignol au milieu des vautours -, c’était son fils Robert, gracieux damoiseau qui, lui aussi, avait le don d’enchaîner par sa gentillesse le cœur rude et sauvage de son père. Il savait, tout comme le jeune David, calmant par les sons harmonieux de sa harpe les fureurs de Saül, attendrir le farouche baron en lui contant un vieux déduit accompagné par le psaltérion.

Pendant les rares périodes de trêve tacite entre les deux manoirs, Edwige aimait à s’échapper des sombres murs de sa prison féodale, pour aller respirer au dehors les senteurs des forêts. Ses pas la conduisaient alors le plus souvent près de la source, aux bords fleuris de nénuphar blanc.

Un jour qu’ayant laissé ses suivantes à distance, elle était assise, rêveuse, à son endroit favori, bercée par le doux murmure de l’onde limpide et abritée contre les ardeurs d’un soleil d’été par le feuillage impénétrable des arbres séculaires, elle entendit soudain, dans l’épaisseur du fourré, un bruit de branches cassées. Au même instant, un énorme sanglier apparut à ses yeux terrifiés. La bête, suivie d’une meute hurlante, était sur ses fins. Gravement blessée par une flèche encore attachée à son flanc, elle s’avancait, furieuse, et se précipitait droit sur la jeune fille. Le choc mortel paraissait inévitable, quand tout à coup l’animal sauvage s’abattit, percé d’un coup d’épieu que venait de lui porter un beau cavalier en traîné à sa poursuite.

C’était le jeune Robert de Wegelnbourg qui, sautant alertement à bas de son cheval, s’approcha de la pauvre Edwige évanouie et lui dit de si douces paroles, qu’elle ne tarda pas à revenir à elle. Et ces deux enfants, fleurs nées au milieu des épines et des chardons, eurent à peine échangé quelques mots, qu’ils se comprirent et s’aimèrent. A partir de ce jour, ils se revirent bien souvent au bord de la fontaine, et les vieux arbres, en amis discrets, déployaient autour d’eux un feuillage plus touffu pour atténuer l’éclat de leurs jolis duos d’amour.

Mais, hélas ! le bonheur de ce jeune couple ne devait pas atteindre son complet épanouissement en ce monde. Un soir, à l’heure où la fleur de bruyère, fatiguée des caresses du soleil, replie ses délicats pétales, les deux amoureux unissaient dans un dernier baiser leurs âmes candides, quand surgit le farouche chevalier de Hohenbourg qui, blême de rage à la vue de sa fille dans les bras du fils de son ennemi, plongea son épée dans le cœur de Robert. Ensuite, se tournant vers Edwige, il allait l’accabler de ses reproches, quand il la vit chanceler et s’étendre à ses pieds. Elle était morte, sans avoir exhalé une plainte, morte de douleur… Et les fleurs de nénuphar blanc aussi étaient mortes, flétries sur leur tige, et il ne restait, à la place, qu’une touffe bleue de Vergiss-mein-nicht.

Depuis lors, dans la nuit étoilée, le bûcheron attardé dans la forêt voit une jeune fille au blanc suaire, descendre, à minuit, du sommet du Hohenbourg vers la fontaine, en chantant un lied d’amour. Elle va au rendez-vous du bien-aimé, puis remonte en pleurant et en tordant, dans sa douleur, ses longues nattes de cheveux blonds, car celui qu’elle aimait n’est pas revenu. Peu à peu la forme blanche se confond dans les vapeurs de la nuit et disparaît. On n’entend plus que de vagues sanglots, se mêlant à la plainte du vent dans les sapins.


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