Entouré d'un marais dont les roseaux soupirent, Ganes avec orgueil élève ses débris, Et du soleil couchant dès que les feux expirent. De cet endroit suspect, au ciel montent des cris.
Ce manoir féodal, dont la base est minée, Résiste fièrement aux siècles destructeurs; Par le mont du Gibet sa droite dominée Accuse à l'oeil surpris des restes de splendeurs.
Le nom de ce beau fief de Ganea dérive Et veut dire, en latin, repaire de coquins; C'est là que dans leur rage honteuse et destructive, Les chevaliers félons pendaient les pèlerins.
On croit que ce château, dont il ne reste guères Que quelques murs épars, fut de tout temps hanté, Et qu'on y voit la nuit, revêtus de leurs suaires, Douze fantômes blancs s'y promener l'été.
Non loin de sa chapelle aux nombreuses arcades, D'une source jadis tourbillonnaient les eaux, Dont les flots bienfaisants attiraient les malades, Certains d'y soulager et d'y guérir leurs maux.
Quand la croyance encore habitait nos rivages, Le peuple vers ce site accourait empressé; C'était le but fréquent de ses pèlerinages, Qui paraissent avoir complètement cessé.
Cette eau miraculeuse, on ne sait d'où venue, Et dont se trouvaient bien tous les êtres perclus, Des sceptiques railleurs se voyant méconnue, Soudain rentra sous terre et ne reparut plus.
On suppose en ce lieu fréquenté par les fouines, Qu'un trésor est caché. Deux habitants, séduits Par l'appât de l'argent, fouillèrent ces ruines, Mais leurs labeurs du jour la nuit étaient détruits.
Ils reprirent le soir leur ouvrage stérile Et dormirent le jour; l'inverse eut lieu pour eux, Jusqu'à ce que, lassés d'un travail inutile, Ils tournèrent ailleurs leurs efforts et leurs voeux.
Un Anglais, possesseur d'un parchemin gothique Indiquant ce trésor, espérait l'enlever; Mais l'arbre au pied duquel fut mis ce bien unique Étant mort et détruit, il ne put le trouver.
On assure qu'ici, sous le premier empire, Se cachait un forçat en rupture de ban; Je ne l'ose affirmer : mais ce que je puis dire C'est que la foudre y tombe et plusieurs fois par an.
A l'horizon chargé de mobiles nuages, Parfois moutonné comme un troupeau du Thibet, Il apparaît dans l'air d'étranges personnages, Qui semblent vouloir pendre un ermite au gibet.