Outre les châteaux forts, les églises gothiques, Que possède en grand nombre encor le sol normand, Cette contrée est riche en pierres druidiques, Qui font des érudits la joie et le tourment.
Ces pierres, en granit, d'un seul bloc et fort belles, Servaient jadis de table au sacrificateur, Et la plupart du temps on remarque sur elles De longs sillons creusés dans toute leur longueur.
Ces rainures, pour moi la chose est très certaine, Faites soigneusement, facilitaient alors L'écoulement du sang de la victime humaine, Qui par torrents sortait bouillonnant de son corps.
Avec du gui de chêne artistement coiffées, En robes de vapeur que Phoebé vient broder, Un impalpable essaim de diaphanes fées Autour de ces dolmens, la nuit, semble rôder.
Dans le bois de Silli, grande, bien conservée, S'aperçoit une pierre, et d'un très-bel effet. Son front est près du ciel; son nom, Pierre levée. L'antiquaire devant s'arrête stupéfait.
On dit que des trésors sous ce granit immense Depuis des siècles sont profondément cachés, Et que par les mortels, du moins c'est la croyance, Ils ne peuvent du sol jamais être arrachés.
Pourtant, dans la forêt mystérieuse et brune, Chaque année, à Noël, si le patre ne ment, Grâce aux pales rayons que projette la lune, On croit le voir de loin se mettre en mouvement.
C'est seulement alors que les pauvres, alertes, Profitent du moment, afin de découvrir Les splendides trésors dans les grottes ouvertes, Qu'ils osent visiter au départ du menhir.
Malheur à l'imprudent qui voudrait trop en prendre, Et fléchit sous le poids de l'argent ramassé : Par la Pierre levée il se laisse surprendre, Et, chancelant sous elle, il périt écrasé.