La légende du retour d'Henri le Lion [Brunswick (Basse-Sax / Allemagne)]

Publié le 15 octobre 2023 Thématiques: Âme , Animal , Animal qui accompagne , Chevalier , Combat , Croisade , Diable , Dompter , Guérison , Lion , Mariage , Mort , Naufrage , Noblesse , Origine , Origine d'un nom , Pacte avec le Diable , Téléportation ,

La statue du Lion à l'emplacement du château
Kassandro, CC BY-SA 3.0 , via Wikimedia Commons
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Source: Collin de Plancy, Jacques Albin Simon / Légendes infernales: relations et facts des hôtes de l'enfer avec l'espèce humaine (1864) (4 minutes)
Lieu: Ancien château de Brunswick (disparu) / Brunswick / Basse-Sax / Allemagne

Pendant que la croisade de Frédéric-Barberousse occupait le monde chrétien, il y eut grand bruit dans toute l'Allemagne de l'aventure merveilleuse arrivée au duc Henri de Brunswick. Il s'était embarqué pour la terre sainte. Une tempête le jeta sur la côte d'Afrique. Échappé seul du naufrage, il trouva un asile dans l'antre d'un lion. L'animal, couché à terre, lui témoigna tant de douceur qu'il osa s'en approcher; il reconnut que cette humeur hospitalière du redoutable animal provenait de l'extrême douleur qu'il ressentait à la patte gauche de derrière; il s'y était enfoncé une grosse épine, et la douleur le faisait souffrir à un tel point qu'il ne pouvait se lever et qu'il avait complétement perdu l'appétit.

La première connaissance faite et la confiance réciproque établie, le duc remplit auprès du roi des animaux les fonctions de chirurgien; il lui arracha l'épine et lui pansa le pied.

Le lion guérit. Reconnaissant du service que lui avait rendu son hôte, il le nourrit abondamment de sa chasse et le combla de toutes les caresses qu'un chien a coutume de faire à son maître.

C'était fort bien; mais le duc ne tarda pas à se lasser de l'ordinaire du lion, qui, avec toute sa bonne volonté, ne lui servait pas la venaison aussi bien apprêtée que faisait son cuisinier. Il désirait ardemment retourner dans sa résidence, la maladie du pays le tourmentait nuit et jour; mais il ne voyait aucun moyen de pouvoir jamais regagner ses États.

Le tentateur s'approcha alors de lui. Il avait pris la forme d'un petit homme noir. Henri d'abord crut voir un orang-outang; mais c'était bien Satan en personne qui lui rendait visite.

– Duc Henri, lui dit-il, pourquoi te lamentes-tu? Si tu yeux prendre confiance en moi, je mettrai fin à tes peines, je te ramènerai auprès de ton épouse. Aujourd'hui même tu souperas à Brunswick, où l'on prépare ce soir un grand festin, car la duchesse, qui te croit mort, donne sa main à un nouvel époux.

Cette nouvelle fut un coup de foudre pour le duc. La fureur étincelait dans ses yeux, son cœur était en proie au désespoir. Il aurait pu songer que, depuis trois ans qu'on avait annoncé son naufrage et sa mort, il était bien permis à la duchesse de se croire veuve; il ne s'arrêta qu'à l'idée qu'il était outragé. Si le ciel m'abandonne, pensa-t-il, je prendrai conseil de l'enfer.

Il était dans une de ces situations dont le diable sait profiter. Sans perdre le temps en délibérations, il chaussa ses éperons, ceignit son épée, et s'écria : En route, camarade!
– A l'instant, répliqua le démon; mais convenons des frais de transport.
– Demande ce que tu voudras, dit le duc, je te le donnerai sur ma parole.
– Eh bien il faut que ton âme m'appartienne dans l'autre monde.
– Soit, répondit le duc, dominé par la colère; et il toucha la main du petit homme noir.

Le marché se trouva conclu entre les parties intéressées. Satan prit la forme d'un griffon, saisit dans une de ses serres le duc Henri, dans l'autre le fidèle lion, et les transporta des côtes de la Libye dans la ville de Brunswick, où il les déposa sur la place du Marché, au moment où le guet venait de crier minuit.

Le palais ducal et la ville entière étaient illuminés. Toutes les rues fourmillaient d'habitants qui se livraient à une bruyante gaieté et couraient au château pour y voir, avec la fiancée, la danse aux flambeaux qui devait terminer la fête du jour.

Le voyageur aérien, ne ressentant pas la moindre fatigue, se glissa à travers la foule sous le portique du palais, et, accompagné de son lion, il fit retentir ses éperons d'or sur l'escalier, entra dans la salle du festin, tira son épée et s'écria:
– A moi ceux qui sont fidèles au duc Henri!. Mort aux traîtres!

En même temps le lion rugit, secouant sa crinière et agitant sa queue; on croyait entendre les éclats du tonnerre. Les trompettes et les trombones se turent; mais les voûtes antiques retentirent du fracas des armes, et les murs du château en tremblèrent. Le fiancé aux boucles d'or et la troupe bigarrée des courtisans tombèrent sous l'épée de Henri; ceux qui échappaient au glaive étaient déchirés par le lion.

Après que le pauvre fiancé, ses chevaliers et ses valets eurent mordu la poussière et que le duc se fut montré le maître de la maison d'une manière aussi énergique que jadis Ulysse avec les prétendants de Pénélope, il prit place à table à côté de son épouse. Elle commençait à peine à se remettre de la frayeur mortelle que lui avaient causée ces massacres.

Tout en mangeant avec grand appétit des mets que son cuisinier avait apprêtés pour d'autres convives, et en régalant son compagnon de ragoûts qui ne paraissaient pas non plus lui déplaire, Henri jetait les yeux de temps en temps sur sa femme, qu'il voyait baignée de larmes. Ces pleurs pouvaient s'expliquer de deux manières; mais en homme qui sait vivre le duc leur donna l'interprétation la plus favorable. Il adressa à la dame d'un ton affectueux quelques reproches sur sa précipitation à former de nouveaux nœuds, et il reprit ses vieilles habitudes. « Henri le Lion, surnommé ainsi à cause de son aventure, disparut, ajoute-t-on, en 1195, emporté par le petit homme noir. »

Le récit que nous terminons ici est tiré de Musœus. Les protestants l'ont imaginé et n'ont rien négligé pour le rendre populaire ; ils avaient intérêt à salir le grand caractère de Henri le Lion, qui dut son surnom à son ardent courage et non à l'historiette qu'on vient de lire, et qui, presque seul avec le chef des Guelfes, défendit la Papauté au douzième siècle contre ces princes allemands qui déjà ouvraient les voies à Luther.

Henri le Lion mourut en 1195, muni des sacrements de la sainte Église, et laissant une éclatante réputation d'homme vaillant et d'homme de cœur.

L'histoire, depuis la Réforme, a besoin de tant de redressements, que c'est une politesse à lui faire que d'en recueillir partout.

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Source: Bérenger-Féraud Laurent-Jean-Baptiste / Les légendes de la Provence (1888) (3 minutes)
Lieu: Ancien château de Brunswick (disparu) / Brunswick / Basse-Sax / Allemagne

Pendant la croisade de Frédéric Barberousse, il arriva un évènement mémorable qui fit un très grand bruit dans l'Allemagne toute entière. Henri de Brunswick s'était croisé et était parti pour la Terre-Sainte. Une tempête assaillit son navire et le jeta sur la côte d'Afrique. Tout l'équipage fut noyé ; seul, Henri de Brunswick se sauva. L'endroit où il aborda la terre était sauvage, de sorte que le naufragé ne trouva pour se mettre à l'abri qu'une caverne dans laquelle il entra; mais, dans cette caverne, il y avait un lion.

Henri de Brunswick eut d'abord une grande frayeur, mais il s'apperçut bientôt que le lion n'avait pas de méchantes intentions, bien au contraire, il vit qu'il avait un air doux et suppliant. S'approchant de lui, il constata que le noble animal était malade : une grosse épine qui avait pénétré dans son pied y avait provoqué une violente inflammation.

Henri de Brunswick retira l'épine avec dextérité, pansa la patte malade, et eut la satisfaction de la voir guérir bientôt.

Le lion ressentit une grande reconnaissance pour son sauveur. Aussi, dès qu'il fut assez fort pour sortir, il se mit à chasser pour le compte d'Henri qu'il servit, dès lors, avec tout le dévouement d'un chien affectionné.

Quelques mois se passèrent ainsi, mais Henri s'ennuyait naturellement dans sa solitude, et il chercha par quels moyens il pourrait rentrer dans le monde; il acquit bientôt la certitude que le pays où le sort l'avait jeté était absolument sauvage, et qu'aucune puissance humaine ne pourrait l'en tirer.

Se tourmentant, ne sachant plus comment faire pour sortir de là, il écouta les suggestions de l'esprit tentateur qui lui apparut sous forme d'un petit homme noir et lui offrit ses services.

Henri demanda au diable des nouvelles de son pays et de sa famille. Celui-ci lui dit que tout le monde se portait bien à Brunswick, et que comme on y avait appris le naufrage de son navire, chacun était persuadé qu'il était mort, comme le restant de l'équipage. Aussi, ajouta-t-il, votre épouse a pris le deuil, vous a pleuré; Or, pressée par mille solicitations, elle va être obligée, sous très peu de jours, d'accepter les hommages d'un nouvel époux.

On comprend le désespoir du malheureux Henri, et comme le diable voulait le remuer jusqu'au fond du cœur, il lui apprit que le soir même le diner des fiançailles devait avoir lieu, malgré les résistances de la pauvre jeune femme.

Outré de colère, voyant qu'il n'avait rien à attendre du ciel, Henri accepta tout ce que le diable lui demanda pour le tirer de cette fâcheuse situation. Or le diable lui dit : Si tu me donnes ton âme, tu seras dans un instant transporté à Brunswick et tu arriveras à temps pour empêcher ta femme de se donner à un autre.

Henri chaussa ses éperons, ceignit son épée, appela son lion et dit au diable: Le marché est conclu, mon âme t'appartient, transporte-moi à Brunswick sans retard... Minuit sonnait, lorsque Henri fut déposé sur la place du marché de la ville de Brunswick, accompagné de son fidèle lion.

Il ne fut pas longtemps à s'apercevoir que la ville était en fête ; il y avait de brillantes illuminations dans toute la ville; le château était entouré d'une populace joyeuse qui cherchait à voir passer les nobles chevaliers et les belles dames qui allaient assister à la cérémonie des fiançailles.

Henri s'avança terrible vers le palais, y pénétra par le grand escalier et entra dans la grande salle du festin au moment précis où la pauvre jeune femme allait être obligée de céder aux nombreuses obsessions, dont elle était l'objet depuis longtemps.

Tout à coup tirant son épée, il s'écria: A moi ceux qui sont restés fidèles au duc Henri! Mort aux traitres et aux félons!

Personne n'avait fait attention à lui jusque-là, de sorte que sa voix éclata comme un coup de foudre au milieu de la fête. Il se mit à frapper d'estoc et de taille, tandis que le lion rugissant, battant ses flancs de sa queue, se précipitait, de son côté, sur le fiancé qu'il mit en pièces. En un instant, tous les soupirants de la dame furent tués.

La jeune femme reconnaissant son mari fut pénétrée de joie. Aussi lorsque tous les chevaliers félons eurent été exterminés, la plus grande joie régna au palais, et il y eut un grand festin qui fêta le retour inespéré du maître de la maison.

Henri vécut heureux dès ce moment et aurait voulu que sa vie se prolongeât jusqu'à l'éternité; mais comme il avait vendu son âme au diable, il fut saisi et emporté un jour par un fantôme noir, sans qu'on n'ait jamais eu de ses nouvelles depuis ce moment, qui remonte à l'an 1195.


  • Le couronnement d'Henri et de son épouse Mathilde

    Le couronnement d'Henri et de son épouse Mathilde - None

  • La statue du Lion à l'emplacement du château

    La statue du Lion à l'emplacement du château - Kassandro, CC BY-SA 3.0 , via Wikimedia Commons

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