La légende des chevaux de Canobie Dick [Melrose (Scottish Borders / Royaume-Uni)]

Publié le 12 décembre 2024 Thématiques: Animal , Arme , Cheval , Choix , Marchand , Montagne , Mort , Nuit , Roi | Empereur ,

Eildon Hill
Eildon Hill. Source User: (WT-shared) Elgaard at wts wikivoyage, CC BY-SA 3.0 <https://creativecommons.org/licenses/by-sa/3.0>, via Wikimedia Commons
ajouter aux favoris Ajouter une alerte en cas de modification augmenter la taille du texte reduire la taille du texte
Source: Gibbings, W.W. / Folklore and Legends: Scotland (1889) (3 minutes)
Contributeur: Fabien
Lieu: Lucken Hare / Melrose / Scottish Borders / Royaume-Uni
Lieu: Bowden Moor / Melrose / Scottish Borders / Royaume-Uni

Il y a de cela bien des années vivait dans les Borders un joyeux et intrépide maquignon qui était connu pour son tempérament insouciant et téméraire, ce qui lui valait l'admiration mais aussi une certaine crainte de la part de ses voisins. Par une nuit de pleine lune, alors qu'il traversait la lande de Bowden, sur le versant ouest des collines d'Eildon - lieu des prophéties de Thomas le Rimeur et souvent mentionné dans son histoire - il menait avec lui deux chevaux qu'il n'avait pas réussi à vendre. Il croisa alors un homme d'apparence vénérable, vêtu d'habits étrangement antiques, qui, à sa grande surprise, lui demanda le prix de ses chevaux et se mit à marchander avec lui.

Pour Canobie Dick, comme nous appellerons notre négociant des Borders, un client était un client, et il aurait vendu un cheval au diable en personne sans se soucier de son sabot fourchu, et, probablement, de plus, l’aurait roulé dans la transaction. L’étrange acheteur paya le prix convenu, mais ce qui intrigua Dick, c’était que l’or reçu se composait de pièces anciennes — des unicorns et bonnet-pieces — précieuses pour les collectionneurs, mais peu pratiques comme monnaie moderne. Néanmoins, de l’or restait de l’or, et Dick parvint à tirer un meilleur profit de cet or qu’il n’en avait offert en valeur.

Sur la demande de ce bon acheteur, Dick revint plusieurs fois au même endroit avec des chevaux, le seul impératif étant de venir de nuit et seul. Je ne sais si c'était par simple curiosité ou si quelque espoir de gain s'y mêlait, mais après avoir vendu plusieurs chevaux de cette façon, Dick commença à se plaindre que les marchés conclus sans trinquer portaient malheur, et à suggérer que, puisque son client devait vivre dans les environs, la courtoisie commerciale voudrait qu'il lui offre un demi-mutchkin (une mesure de whisky).

"Vous pouvez voir où je vis, si vous le souhaitez," répondit l’étranger. "Mais si vous perdez courage en chemin, vous le regretterez toute votre vie."

Dick éclata de rire devant cet avertissement et, après avoir attaché son cheval, suivit l’homme sur un sentier étroit. Celui-ci les conduisit jusqu’à une colline singulière nichée entre les sommets sud et central, connue sous le nom de Lucken Hare en raison de sa forme. Au pied de cette colline, célèbre pour les sabbats de sorcières, Dick fut surpris de voir son guide entrer dans une cavité dont il ignorait l’existence, malgré sa connaissance du lieu.

"Vous pouvez encore faire demi-tour," lui dit son guide avec un regard sombre. Mais Dick, ne voulant pas passer pour un lâche, poursuivit sa route. Ils entrèrent dans une immense écurie souterraine. Dans chaque stalle se tenait un cheval noir comme le charbon, et à côté de chaque cheval reposait un chevalier en armure noire, une épée dégainée en main. Tout était figé, comme taillé dans le marbre. La salle, éclairée par de nombreuses torches, dégageait une lueur sombre et inquiétante.

Au bout de cette vaste galerie, ils arrivèrent devant une table antique sur laquelle reposaient une épée et un cor.

"Celui qui sonnera du cor et tirera l’épée," déclara l’étranger, qui se révéla être le célèbre Thomas d’Ercildoun, "sera, si son cœur ne faillit pas, roi de toute la Grande-Bretagne. Ainsi parle la langue qui ne ment jamais. Mais tout dépend de votre courage, et du choix de l’épée ou du cor en premier."

Dick, tenté par l’épée, fut pourtant paralysé par la terreur surnaturelle du lieu. Craignant que dégainer l’épée ne soit perçu comme un défi aux forces de la montagne, il prit le cor d’une main tremblante et souffla une note faible, mais suffisante pour déclencher une réponse terrifiante. Le tonnerre gronda dans la salle, les chevaux et les chevaliers s’animèrent soudain. Les chevaux soufflèrent et piétinèrent, les chevaliers se levèrent, brandissant leurs épées et faisant résonner leurs armures.

Terrifié, Dick laissa tomber le cor et tenta maladroitement de saisir l’épée enchantée. Mais une voix retentit, proclamant :
"Malheur au lâche, à jamais déshonoré,
Qui souffla dans le cor avant d’avoir tiré l’épée !"

Un tourbillon d’une violence irrésistible traversa alors la salle, emportant le malheureux maquignon hors de la caverne. Il fut précipité sur un talus de pierres où les bergers le retrouvèrent au matin. À peine conscient, il eut juste le temps de raconter son histoire avant de rendre son dernier souffle.


Partager cet article sur :