A mesure que nous avançons dans cette vallée de l'Adige supérieure, le nombre des contes fantastiques augmente. Dans le val, il n'est pas de pic, pas de village, pas de maison qui n'ait sa légende. Terlan aussi, le petit village où nous nous arrêtons, a la sienne; sur le clocher de l'église qui penche comme la tour de Pise, il y en a une vingtaine. Ici comme ailleurs, la chronique des siècles passés fait entrer le diable en scène. Mais les gens du pays expliquent la tour penchée par un miracle qui ne témoigne pas en faveur de la pureté des mœurs. Un jour, disent-ils, la tour a vu passer une vierge de Terlan, et elle l'a saluée. Depuis, elle attend que passe une autre vierge pour reprendre sa position primitive, mais elle attendra encore longtemps.
D'après une autre fable encore, la tour penchée de Terlan serait l'œuvre d'un maçon amoureux de la fille de son patron. Encouragé par la belle de son choix, il alla trouver son père et lui demanda s'il voulait l'accepter pour gendre.
Le patron sourit dédaigneusement et répondit :
Quand tu auras bâti une merveille comme la tour de Pise, tu reviendras. D'ici là, tu feras bien de renoncer à tes folles idées.
Précisément, les habitants de Terlan avaient décidé de faire construire un beffroi : le jeune maçon se présenta, fut agréé et éleva cette tour miraculeuse de Terlan; après quoi il retourna chez son ancien patron et épousa sa bien-aimée; il va sans dire qu'ils furent heureux et eurent beaucoup d'enfants.
La vérité est que les eaux de l'Adige, en s'infiltrant dans le sol, ont, dans le cours des siècles, ébranlé les fondations du clocher de Terlan, qui, par un miracle d'équilibre, est aussi solide de nos jours qu'à l'époque de sa construction.