Quand on est mulet, on a le droit d’être têtu. Certain rejeton dégénéré d’une noble cavale qui s’était oubliée en compagnie d’un aliboron de bas étage, portait sur son échine la chasse de sainte Colombe. C’est une sainte qui jouit d’une grande vénération dans la contrée des Bornes.
D’où venait ce mulet ? où allait-il ? qui lui avait mis ces reliques sur le dos ? qui lui avait assigné le but de son voyage et l’itinéraire qu’il devait suivre ? C’est ce que personne n’a jamais pu dire. Tout ce qu’on sait, c’est que le mulet s’arrêta à la porte du monastère d’Entremont et attendit qu’on vint lui en ouvrir les portes.
Mais il était tard, le frère portier en était à son premier sommeil, et le mulet passa de longues heures à faire le pied de grue à la porte du couvent. Il ne s’impatienta pas pour autant, à peine laissa-l-il échapper un léger mouvement d’humeur, mais ce mouvement à suffi pour marquer profondément l’empreinte du pied du mulet dans la pierre sur laquelle il avait piaffe.
Enfin, le frère portier se leva, et entrant sans préambule dans l’exercice de ses fonctions, il tira le cordon pour ce solliciteur importun. Le mulet se dirigea sans hésiter vers le seuil de la chapelle et pénétra jusqu’au fond du sanctuaire. Là il déposa son précieux fardeau, sans demander l’aide de personne, et après une génuflexion bien accentuée, il reprit le même chemin, se fit tirer une seconde fois le cordon et s’en alla sans mot braire, comme il était venu.
La châsse de sainte Colombe est là pour attester le miracle; elle renferme, outre les ossements de la bienheureuse, une statuette de la Vierge, statuette qui présente une particularité dont la description n’est point facile à faire. Que ceux qui désirent en savoir davantage aillent rendre visite à sainte Colombe, et ils seront de notre avis.
La contrée, cela va sans dire, continue à se distinguer par l’élève du mulet, qui est pour elle une source de richesse et de prospérité.