La légende de la tour de Gannes [Tonnay-Boutonne (Charente-Maritime)]

Publié le 16 février 2023 Thématiques: Château , Combat , Dame blanche , Infanticide , Mort , Noblesse , Nuit , Sarrasin , Siège , Soldat ,

L'ancienne tour de Ganne par Claude Masse
L'ancienne tour de Ganne par Claude Masse. Source Meisterdrucke.com
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Source: Musset Georges / La Charente-Inférieure avant l'histoire et dans la légende (1885) (2 minutes)
Lieu: La tour de Ganne (détruite) / Tonnay-Boutonne / Charente-Maritime / France

Le château de Tonnay-Boutonne était occupé par Gannes, commandant les marches de Saintonge, et chargé de les défendre contre les Sarrasins. Gannes avait deux enfants, Gannelon, uni secrètement aux Maures, et Isèle, qui s'était éprise d'un sarrasin, Ismaeli.

Quand les Sarrasins se dirigeant vers le centre eurent franchi la Charente, « la place fut investie avec précaution et lenteur par le chef habile qui dirigeait le petit corps sarrasin et les guerriers soupçonneux du châteaux remarquèrent avec inquiétude des signaux d'intelligence établissant une communication directe entre les appartements du donjon et la tente du chevalier maure placée sur le haut du côteau de Luret. Plusieurs alertes furent vivement repoussées; la garnison fidèle ne se laissa pas surprendre, et bientôt le corps ennemi, fatigué de ses vaines tentatives, resta dans l'inaction, en se bornant à l'investissement de la place. Un soir, il pleuvait à verse, l'obscurité était profonde, les sentinelles fatiguées s'étaient abritées dans les tourelles; les nuages noirs et pesants enveloppaient d'un sombre linceul le corps massif de la vieille tour; Gannes, seul, agité par de funestes pressentiments, revêtu d'une épaisse cape de laine brune, visitait les abords des douves et les poternes qui y conduisent, marchant en tâtonnant, son glaive à la main, sans lumière pour ne pas déceler sa présence. Il venait de parcourir les fossés du nord du donjon, lorsqu'il entendit glisser sur les eaux paisibles de la Boutonne, un bateau dont la rame, maniée avec prudence, ne produisait qu'un léger murmure; Gannes dirigea brusquement ses pas vers la poterne de l'ouest et quelle fut sa fureur quand il entendit les gonds de la porte de fer rouler sous une main peu assurée qui ouvrait une issue à l'ennemi. Son oreille saisit le cliquetis sourd d'une cotte de mailles frottant contre l'acier; Gannes, en poussant son cri d'alarme, s'élança vers ceux qui le trahissaient et plongea vivement son épée dans le cœur de la première personne qui s'offrit à ses coups. Des hommes d'armes, accourus à ses cris, prêtèrent main-forte à leur seigneur et un affreux cliquetis d'épées résonna dans le souterrain; les Maures furent repoussés, car c'étaient eux que dirigeait Ismaeli et qui allaient s'emparer du château dont Isèle leur avait frayé le chemin.

Des torches en éclairant de leur lumière blafarde cette scène de carnage, firent voir Isèle, la poitrine traversée d'un coup d'épée, gisante près d'Ismaéli, dont le crâne avait été brisé; le vieux Gannes, lui-même, était tombé sur leur corps grièvement blessé. « Malédiction sur ta race, oh! mon père ! et malheur à toi, mon frère, qui m'as donné les pernicieux conseils qui m'ont perdue, dit Isèle, en exhalant le dernier soupir. » Depuis lors, à minuit, surtout à l'approche des grands événements, Isèle, vêtue de blanc, apparait sur les ruines de la poterne, placée au bas du terrier de la tour de Gannes; elle s'élève comme une légère vapeur, en plaçant un doigt sur sa bouche, et semble errer, comme une ombre chassée du ciel, sur le théâtre de sa trahison.


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