Aux soirées d'hiver, les vieilles gens du pays d'Aunis racontent qu'il y a de cela bien longtemps, par une nuit de tempête, la fée Mélusine, cette création si populaire de nos contrées, cette grande redresseuse des torts et des injustices, vint demander l'hospitalité au seigneur de Châtelaillon. La tempête soufflait en rafales sur le sommet du promontoire dont la mer battait les flancs; sous les traits d'une vieille femme, la fée grelottait aux atteintes de la tempête et du froid pénétrant de l'embrun. Les châtelains furent impitoyables, toutes les portes se fermèrent.
Aussi, reprenant sa première forme, Mélusine se redresse en face de la cité inhospitalière et lui annonce au milieu des éclats de l'ouragan, qui ne justifiait que trop sa sinistre prédiction, que Châtelaillon s'en irait pierre par pierre sous les coups de l'Océan, et qu'il périrait tous les jours d'un sou et d'un denier.
Les vieilles gens ajoutent que, pendant bien longtemps, on vit la fée revenir aux mêmes lieux; elle emportait dans les plis de sa robe (sa dorne) les pierres du vieux castrum pour élever la magnifique abbatiale de Maillezais. Un jour, cependant la charge était trop lourde, et une pierre tombée du tablier de la fée est restée près de la Jarne, faisant, sous le nom de pierre levée, l'étonnement des populations.