La légende de l'aqueduc de Ségovie [Ségovie (Segovia),(Castille-et-León / Espagne)]

Publié le 21 août 2023 Thématiques: Âme , Aqueduc , Construction , Construction de pont , Diable , Diable constructeur , Diable roulé , Domestique | Serviteur , Eau , Eau bénite , Invocation , Pacte avec le Diable , Prêtre | Curé , Ruse ,

Aqueduc de Ségovie
Bernard Gagnon, CC BY-SA 3.0 , via Wikimedia Commons
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Source: Collin de Plancy, Jacques Albin Simon / Légendes infernales: relations et facts des hôtes de l'enfer avec l'espèce humaine (1864) (2 minutes)
Lieu: Aqueduc de Ségovie / Ségovie (Segovia) / Castille-et-León / Espagne

On ne pouvait autrefois se procurer de l'eau à Ségovie qu'en allant la chercher à deux lieues de la ville. On raconte que, du temps de l'empereur Adrien, la servante d'un curé, fatiguée d'aller puiser de l'eau si loin, dit un jour en tombant de lassitude: – Je donnerais mon âme pour ne plus avoir à faire tous les jours de pareilles courses.
– Je l'accepte, répondit une voix tout près de la jeune fille.

La pauvrette se retourna et vit un beau cavalier, vêtu de velours et de soie, qui la regardait en souriant. Elle sentit sa frayeur s'évanouir; elle pensa que ce ne pouvait être le diable, mais quelque étudiant de passage à Ségovie.

– Ainsi, reprit le diable, tu me donnes ton âme si je fais venir de l'eau chez toi ?
– Oui, señor.

Le diable toucha les deux cruches, qui se trouvèrent à l'instant remplies de l'eau la plus claire et la plus pure.

De retour au presbytère, la jeune fille, qui avait réfléchi, se dit qu'il se pourrait cependant qu'elle eût affaire au diable; elle raconta au curé ce qui s'était passé, et elle se prit à pleurer.
– Ne crains rien, lui dit le curé; je me charge d'arranger l'affaire. Appelle Belzebuth.

La servante obéit. Le diable parut sous les traits d'un beau cavalier, mais en costume de maçon, une pioche à la main.

Le curé avait pris son goupillon, ruisselant d'eau bénite.
– Qui t'a donné autorité sur cette enfant ? dit-il au diable.
– Elle-même, répondit-il.
– Elle est mineure, reprit le curé; elle n'a pas qualité pour cela.
– De deux choses l'une: ou elle me donne son âme, et je l'emporte; ou elle a menti, et je l'emporte encore.

Le curé aspergea le diable d'eau bénite. Celui-ci demanda à capituler.
– Soit, dit le curé; fais tes propositions, et nous verrons après. – Je veux vous être agréable, dit le diable. Au lieu de faire venir de l'eau pour vous seulement, j'en ferai venir pour toute la ville.
– Et pendant combien de temps coulera cette eau ?
– Pendant.... pendant toute l'éternité. Mais j'aurai l'âme de votre servante?
– Tu l'auras, si ta besogne est terminée avant que le soleil ait reparu sur l'horizon.
– Je ne le pourrai jamais, dit le diable. Il me faudrait au moins trois jours.
– C'est mon dernier mot, dit le curé.

Le diable accepta.

– Monsieur le curé! murmura tout bas la jeune fille effrayée.
– Tais-toi; il n'aura rien du tout. Va retarder d'une heure l'horloge de ma chambre.
– Quelle heure est-il ? demanda le diable.
– Minuit, dit le curé. – Minuit, murmura le diable. Le soleil paraît à deux heures cinquante minutes; j'ai le temps.

Le lendemain, les bons Ségoviens admiraient le merveilleux aqueduc né en quelques instants; le curé et la servante étaient là. C'est que le diable, trompé sur l'heure, n'avait pu achever à temps son ouvrage. Juste au moment où le soleil se levait, il tenait la pierre qui devait le terminer et qu'il ne put poser. Il avait perdu.


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