Parvenu à l’âge où l’on cherche sa voie, Ferrocas résolut de devenir forgeron maréchal-ferrant. Au cours de son tour de France, qu’il accomplit comme compagnon, il perfectionna son instruction qui était très rudimentaire ; il se passionna surtout pour l’histoire de son pays natal, quand il eut pris connaissance des péripéties de la Croisade contre les Albigeois et de l’épisode célèbre du bûcher de Montségur. De son tour de France, il avait rapporté des idées jugées subversives par les autorités locales de son village. À l’auberge, il déclarait publiquement « qu’il était cathare, et qu’il n’avait pas besoin de l’entremise du curé pour communiquer avec Dieu… » Le curé, à qui ces paroles furent rapportées, menaça Ferrocas d’excommunication, pour avoir tenu publiquement des propos hérétiques.
Le dimanche suivant, Ferrocas se rendit à la grand-messe et prit place à la tribune réservée aux hommes, sous les regards intrigués des paroissiens. Soudain il se mit à chanter des chansons profanes et à insulter le prêtre pendant qu’il officiait. Pour faire cesser ce scandale sans précédent, des fidèles intervinrent et expulsèrent Ferrocas hors de l’église. L’émotion fut si grande que le maire fit dresser procès-verbal contre le délinquant. Le dimanche suivant, le curé du haut de sa chaire confirma l’excommunication de Ferrocas et proclama que le cimetière « terre bénite » serait interdit à la dépouille mortelle de ce mécréant. Effectivement, lorsque Ferrocas mourut quelques années plus tard, il fut enterré « comme un chien » au lieu-dit Las Costos. Et comme à Montségur, la sorcellerie ne perd jamais ses droits, le bruit se répandit que « toute vache, tout mulet ou cheval passant à proximité de la tombe de Ferrocas perdait instantanément sa ferrure ».
Les sorciers du village prétendirent que dans l’au-delà Ferrocas se vengeait de ses compatriotes qui l’avaient laissé condamner. En présence de cette « situation explosive », l’Église, pour apaiser les esprits, décida d’exorciser la tombe de Ferrocas et d’accueillir sa dépouille « en terre bénite », c’est-à-dire à l’intérieur du cimetière paroissial. On érigea une croix en fer forgé à l’emplacement de la tombe où avait reposé quelque temps Ferrocas.