La légende du Targui et de la Fiancée du Chaambi. [- (Al Wadi Al Gadid Desert / Egypt)]

Publié le 12 septembre 2024 Thématiques: Amour , Amour non partagé , Berger , Enlèvement , Jeune fille , Jeunes gens , Mort , Piège , Punition , Ruse ,

Homme et sa prisonnière dans le desert
Homme et sa prisonnière dans le desert. Source Midjourney
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Source: Certeux A. / Contributions au folk-lore des Arabes: l'Algérie traditionnelle, légendes ... (1884) (3 minutes)
Contributeur: Fabien
Lieu: Montagnes de Heuggar (?) / - / Al Wadi Al Gadid Desert / Egypt

Dans une incursion des Berbères voilés, la fiancée d'un jeune Chaambi fut enlevée et emmenée dans les montagnes de Heuggar, près la limite du Soudan. Depuis cette fatale aventure, le Chaambi était poursuivi des railleries des hommes et du mépris des femmes. Cela alla si loin que le pauvre diable, n'y tenant plus, prit la résolution d'aller reprendre sa belle fiancée.
«Je la ramènerai ici, dit-il aux Chaamba, ou vous ne me reverrez jamais. »

Il monta sur un mehari des plus rapides et il arriva promptement aux environs de l'endroit où ses renseignements lui avaient indiqué l'habitation du ravisseur. Il y fit la rencontre d'un berger qui se décida, pour une forte somme d'argent, à aller trouver la jeune fille et à lui dire qu'un de ses parents était venu la chercher pour la reconduire dans son pays. En même temps il lui disait de fixer un endroit solitaire où ils pourraient se concerter pour s'enfuir. Mais la fiancée du Chaambi répondit au messager:
« Je n'ai pas de parents et il ne me plaît pas de me concerter avec personne. »

On juge du désespoir du cavalier. Il donne encore beaucoup d'argent au berger, mais sans résultat. Enfin, après avoir vidé sa bourse dans les mains du pâtre, celui-ci retourna pour la troisième fois auprès de la jeune fille et en obtint un entretien avec le Chaambi.

Mais là, le cavalier eut beau invoquer son amour passionné, sa douleur, celle de ses parents, la honte de la tribu, rien n'y put faire et la jeune fille préféra rester aux mains de son ennemi d'autrefois, son amant d'à-présent. Aidé du berger, le Chaambi enleva la jeune fille, la plaça sur son mehari et l'emmena de force.

Après une longue marche, il fallut s'arrêter auprès d'un puits pour se désaltérer et rafraîchir la monture.

Le Maabi dut y descendre en s'accrochant aux parois du rocher. La jeune fille, à mesure que le Chaambi lui passait le vase plein d'eau, le vidait sans y toucher et redemandait toujours à boire, prétendant qu'elle était tourmentée d'une soif inextinguible.

C'est que la rusée avait aperçu un point noir tacher l'horizon du côté du Sud, et son cœur avait deviné que c'était le beau Targui qui lui avait fait oublier si complètement son fiancé du Nord.

En effet, quelques heures après l'enlèvement de sa femme, le Targui avait appris l'aventure et aussitôt s'était mis à la poursuite du ravisseur. Il avait vu dans le désert les traces laissées par le Chaambi et il put arriver au bord du puits avant que son rival eût pu en sortir.

Le pauvre fiancé fut lié solidement sur le mehari; le Targui s'assit près de lui et commença un repas interrompu cent fois par tout ce que pouvaient se dire deux époux qui s'aimaient et se retrouvaient après avoir craint d'être pour toujours séparés.

A la fin, lassé de sa longue course, le Targui s'endormit.

Le Chaambi supplia alors sa fiancée de lui délier seulement les mains dont il souffrait horriblement, l'assurant qu'il lui pardonnerait tout le passé si elle consentait à lui rendre ce léger service. Il était si bien attaché du reste, que cela semblait sans aucun danger, de sorte que la jeune fille, entraînée peut-être aussi par le sentiment de pitié que les femmes ne refusent jamais à ceux qui les aiment à la fureur, même quand elles ne veulent pas partager leur amour, la jeune fille fit ce qu'il lui demandait. Puis elle eut l'imprudence de s'endormir à son tour.

Le Chaambi profita si bien des circonstances que bientôt il se trouva libre et que sans perdre de temps, il saisit le sabre du Targui et lui coupa la tête. Puis ayant éveillé la belle, il la força de remonter sur le mehari.

Quelques jours après, il rentrait au douar avec elle, n'ayant pas oublié de rapporter la tête du ravisseur et comme trophée et comme pièce à conviction. Il rassembla ses parents, ceux de sa fiancée et leur raconta tout ce qui s'était passé. La perfide qui avait renié sa famille, sa tribu et son amour fut condamnée à mort et exécutée par ses propres frères.

Les hommes ne se moquèrent plus du fiancé, et au lieu du mépris des femmes ce fut leur estime et leur amour qu'il gagna et qui firent de lui l'un des hommes les plus heureux de la tribu.

(Recueilli vers 1856 chez les Touaregs par le capitaine Hanoteau. Cf. Revue africaine, no 4, avril 1857, p. 309 et suiv.)


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