La légende des bœufs de la cathédrale de Laon [Laon (Aisne)]

Publié le 13 janvier 2024 Thématiques: Animal , Boeuf , Cathédrale , Construction , Construction miraculeuse , Légende chrétienne , Origine , Ouvrier , Statue ,

Un des bœufs de la cathédrale de Laon
Un des bœufs de la cathédrale de Laon. Source Zairon, CC BY-SA 4.0 <https://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0>, via Wikimedia Commons
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Source: Poquet, Alexandre / Les légendes historiques du département de l'Aisne (1879) (3 minutes)
Contributeur: Fabien
Lieu: Cathédrale de Laon / Laon / Aisne / France

Aucun édifice en France ne se prêtait plus à la légende que la célèbre Cathédrale de Laon. Ses malheurs et sa ruine l'avaient rendue intéressante par tout le monde. Sa résurrection glorieuse et féérique ont laissé autour d'elle comme un mystérieux parfum de poésie que les siècles n'ont pu altérer. Il n'en pouvait être autrement. Aussi ses tours sveltes et aériennes à travers lesquelles souffle le vent et murmure la tempête, cette surprenante et subite restauration menée avec tant de célérité après l'effroyable incendie qui venait de la brûler dans le sang avec 11 autres églises; les quêtes fructueuses et lointaines accompagnées de miracles sur la Loire et jusqu'en pays étrangers, ont donné lieu à une épopée d'un genre tout nouveau. Mais ici les agents, ou plutôt les héros de ce roman historique, ne sont ni les quêteurs dévoués d'Issoudun, ni les ouvriers intelligents et pieux recueillis en Angleterre pour travailler à cette œuvre gigantesque. Ce sont tout bonnement des animaux qu'on n'a pas craint de glorifier en les plaçant presqu'au sommet des tours dans de larges baies qui ouvrent leurs seins sur les divers quartiers de la ville.

Et, en effet, là sont quatre magnifiques bœufs en pierre dans une pose naturelle, et qui n'ont nullement l'air effrayé de se voir perchés à une telle hauteur. Longtemps on s'est demandé quel était le but de cette ornementation aussi insolite que bizarre ? Etait-ce un simple caprice d'une imagination fantaisiste ? ou bien était-elle le résultat d'un souvenir intentionnel? L'idée dominante et populaire tenait, il faut l'avouer, pour cette dernière explication, et lorsqu'il s'agissait de la justifier on allait jusqu'à dire que c'était une manière de reconnaître les immenses services rendus par ces utiles animaux qui, d'après certains auteurs, avaient été employés à conduire, sur un plan incliné qui, partant de la place du Bourg, atteignait la plate-forme des tours, les matériaux nécessaires à cette vaste construction.

Tout en admettant le fond de ce récit, qui nous paraît fondé en principe, rien ne nous oblige à croire à l'existence de ce pont volant qui nous paraît aussi inutile qu'impossible. Il nous semble qu'en nous en tenant aux transports difficiles que faisaient ces rudes compagnons des labeurs de l'homme, condamnés à traîner journellement ces énormes blocs de pierre auxquels il fallait encore faire gravir une montagne rapide, élevée, quand on les avait amenés des carrières voisines, cela suffit bien abondamment.

Cette solution nous avait, en effet, paru satisfaisante, lorsqu'en ouvrant le livre d'un pauvre moine qui avait raconté avec un accent ému les révoltes de la commune de Laon, nous y avons trouvé une charmante et fraîche anecdote qui confirme notre explication.

« Lorsqu'après avoir été faire partout leur quête, nos clercs, dit Guibert de Nogent, furent de retour à Laon, l'un d'eux, homme d'un caractère estimable, à qui était confié le soin de transporter les matériaux nécessaires pour la réparation du toit de l'Eglise, me raconta que, comme il gravissait la montagne avec son char, un de ses bœufs tomba de lassitude; lui se donnait une grande peine pour l'exciter, ne trouvant pas un autre boeuf à mettre à la place de celui qui était épuisé de fatigue. Tou-tà-coup il en vit arriver un en courant, qui, par une sorte de combinaison réfléchie, se présenta pour prêter son concours à l'ouvrage commencé ; après qu'il eut, d'un pas agile, conduit avec les autres bœufs le char jusqu'à l'église, le pauvre clerc se tourmentait de savoir à qui il devait rendre cet animal qu'il ne connaissait pas; mais celui-ci fut à peine détaché que, sans attendre ni conducteur ni menaces, il s'en retourna promptement à l'endroit d'où il était venu. (Guibert. De vita, liv. 3, ch. 14.)


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