La légende des exploits guerriers d'Abd-Allah ben Djafar [Tadmit (Ain El Ibel / Algeria)]

Publié le 15 septembre 2024 Thématiques: Combat , Guerre , Légende musulmane , Mort , Origine , Pluie , Prière , Siège , Soldat , Transformation , Transformation en pierre , Vengeance , Ville ,

Bataille aux porte de la ville
Bataille aux porte de la ville. Source Dall-E 3
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Source: Certeux A. / Contributions au folk-lore des Arabes: l'Algérie traditionnelle, légendes ... (1884) (4 minutes)
Contributeur: Fabien
Lieu: Tadmit / Tadmit / Ain El Ibel / Algeria

Vingt-quatre mille compagnons du Prophète, ayant à leur tête Sidi-Okha, étaient partis de Médine dans l'intention de détruire Tadmit. Le gouverneur de cette ville s'appelait Ben Alouan : c'était le meilleur cavalier, l'homme le plus redoutable, le soldat le plus intrépide de tous les guerriers de l'ignorance. Dans ses écuries étaient de magnifiques juments que lui seul pouvait dompter et qui faisaient l'épouvante de la contrée; elles étaient attachées à la colline avec des chaînes de fer dont la longueur leur permettait de pâturer librement sur les bords de la rivière. Le jour où les croyants s'approchèrent de la ville, l'une de ces juments fut tellement épouvantée de leur aspect terrible que, tirant sur sa chaîne, elle renversa le rocher et s'enfuit.

Les Musulmans s'étaient arrêtés près de là à Medeg; et le lendemain ils s'avancèrent contre la forteresse aux premiers feux de l'aurore. Mais ces troupes, jusque-là victorieuses, se brisèrent contre les murs d'airain de Tadmit. Ben Alouan sortit de la ville et tailla en pièces les compagnons du Prophète; il ne resta que douze cents hommes pour aller porter dans l'Est la nouvelle de leur défaite.

Dans cette déroute, une chamelle et un petit étaient prés de tomber aux mains des infidèles avec la Djah'fa renfermant la femme de Sidi Senan, lorsque cet intrépide soldat s'écria : « O Dieu des croyants! permettras-tu que le bien que tu m'as donné devienne l'esclave des infidèles? O Dieu ! maître des mondes, ne laisse pas accomplir cette impiété ! »

Cette prière à peine était achevée que la chamelle et son fils étaient changés en deux rochers que montrent encore aujourd'hui les gens du pays, au sommet de deux pics du Djebel-Mergued, au Sud-Est de Tadmit.

Les compagnons du Prophète étaient arrivés à Abd-el-Madjid; leurs chevaux, dont les sabots étaient usés par les cailloux de la route, ne pouvaient plus les porter, et les croyants se mouraient de soif. L'un d'eux s'écria:
« O Dieu sublime! Du Djebel-Karabtit au Kaf de Abdel-Madjid, tu ne nous a pas envoyé un seul nuage de pluie ! Laisseras-tu donc périr tes serviteurs?...
O gardien suprême! O protecteur tout puissant!» eut soin d'ajouter un voisin.
La pluie tomba aussitôt et sauva ces infortunés.

Dès que Sidi-Abd-Allah apprit l'anéantissement de l'armée de Sidi-Okba, il rassembla ses troupes autour de lui et leur dit :
« Nos compagnons ont été tués par les infidèles ! Louange à Dieu! car ils sont retournés dans le sein de Celui qui les a créés ! Mais je les vengerai! Ne suis-je pas Abd-Allah, fils de Djafar? Ne suis-je pas celui qui rend victorieux les vaincus en les ramenant au combat? »

Il sortit de sa tente, radieux comme l'étoile dont le feu luit à travers la nue, fit retourner les fuyards sur leurs pas et poursuivit les Romains jusque sous les murs de Tadmit. Il leur avait tué neuf mille hommes.

Le lendemain une poussière menaçante se montra du côté de la ville; c'était Ben-Alouan qui venait disputer la victoire aux compagnons du Prophète.

Les deux armées allaient en venir aux mains lorsque tout à coup Sidi Abd-Allah ben Djafar apparut au milieu des deux lignes de bataille monté sur une cavale, fille de la jument du Prophète. Il s'écria : « Au nom de Dieu!» et les Musulmans se précipitant sur les infidèles en firent un carnage si grand que Dieu seul connut le nombre de leurs morts; leur sang coula sur la terre comme les vagues de la mer. Mais Dieu ne voulant pas épouvanter ses créatures par la sévérité de sa justice, fit souffler du Sud un vent si effroyable que le sable du Sahara vint couvrir tous les lieux du combat qui depuis furent stériles.

Ben Alouan et Sidi Abd-Allah se rencontrèrent, et après une longue lutte le chef des infidèles eut la tête tranchée par le glaive du Musulman. Les Romains qui restaient s'enfuirent dans la ville. Mais Sidi Abd-Allah n'eut qu'à se montrer et les murs de Tadmit s'écroulèrent et ensevelirent les Romains.

L'épouvante des infidèles avait été si grande que plusieurs en avaient perdu la raison. L'un d'eux rentrait dans la ville s'enfuyant devant les compagnons du Prophète.

« A quoi t'ont servi les moments passés à étudier la science des armes? lui demanda sa femme Oum-Naceur. Vois tes pieds pendants à terre ? N'aperçois-tu pas qu'ils ont abandonné les étriers et que la selle glisse avec toi sur les flancs de ton cheval? – De quoi viens-tu te mêler, lui répondit en pleurant le guerrier? Le combat n'est pas ton affaire. Va te parfumer de musc et d'ambre; va t'entourer d'odeurs subtiles dans ta demeure ! N'as-tu donc pas entendu la flèche invisible de Sidi Abd-Allah, traversant les airs et qu'on ne voit que lorsqu'elle a frappé ? Ah! le voilà qui vient à nous !... >>

A l'approche de Sidi Abd-Allah ben Djafar, l'effroi fut si grand chez les deux époux qu'ils moururent subitement. Le nom de Oum-Naceur resta attaché à l'un des ruisseaux voisins.

Les Musulmans n'avaient perdu qu'un seul homme, dont le tombeau est encore à 6 kilomètres N.-E. de Djelfa. De la tête aux pieds, il mesure trois mètres et demi, grandeur des hommes de ce temps-là, au dire des indigènes !

(Recueilli par M. Arnaud, interprète de l'armée, en 1862, de Abdallah ben Belgassem, caïd des Oulad Khenata.)


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